Division de la Presse et de l'Information


COMMUNIQUE DE PRESSE N°24/01
03 juillet 2001

Conclusions de Monsieur l'Avocat général Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer

dans les affaires

C-367/98 Commission/ République portugaise, C-483/99 Commission/ République française et C-503/99 Commission/Royaume de Belgique

AUX YEUX DE M. L'AVOCAT GÉNÉRAL DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER, LES RÉGLEMENTATIONS NATIONALES INSTAURANT DES “ACTIONS SPÉCIFIQUES” (“GOLDEN SHARES”) NE SONT PAS EN ELLES-MEMES CONTRAIRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE

L'Avocat général considère que les Etats membres conservent la possibilité d'aménager les régimes de propriété des entreprises, notamment dans les secteurs jugés stratégiques (comme celui de l'énergie), dans la mesure où cet aménagement n'est pas discriminatoire à l'égard des ressortissants des autres Etats membres.

La Commission a introduit devant la Cour de justice des Communautés européennes des actions en manquement à l'encontre du Portugal, de la France et de la Belgique: elle estime, en effet, que leurs réglementations respectives portant notamment sur les limitations de la prise de participations, dans le cadre de la privatisation de certaines entreprises, sont incompatibles avec le droit communautaire.

- Ainsi, des dispositions réglementaires faisant suite à une loi portugaise de 1990 précisent dans chaque cas la participation maximale étrangère autorisée, dans le cadre de la privatisation de certaines entreprises. Un décret-loi de 1993 prévoit également un mécanisme d'autorisation préalable du ministre des Finances pour l'acquisition d'actions représentant plus de 10% du capital (avec droit de vote) de sociétés faisant l'objet d'une privatisation (sociétés nationalisées après la révolution du 25 avril 1974, une révision constitutionnelle ayant permis leur privatisation).

- En France, un décret de 1993 institue une action spécifique de l'Etat dans la Société Nationale Elf-Aquitaine. Cette action est assortie de droits en vertu desquels le franchissement de certains seuils de détention du capital ou des droits de vote par une personne physique ou morale doit être approuvé par le ministre chargé de l'économie, ce dernier devant également autoriser les projets de cession d'actifs concernant cette entreprise.

- Un arrêté royal belge de 1994 institue, enfin, au profit de l'Etat une action spécifique de la Société nationale de Transport par Canalisations; en vertu de cette action spécifique, le ministre en charge de l'énergie peut s'opposer au transfert de titres au profit de personnes physiques ou morales s'il considère que les changements apportés au sein de la société risqueraient de porter atteinte aux intérêts nationaux de la Belgique dans le domaine de l'énergie.

La Commission estime que ces réglementations ne sont pas conformes à la liberté d'établissement et à la libre circulation des capitaux.

L'Avocat général M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER rend aujourd'hui ses conclusions.

L'opinion de l'Avocat général ne lie pas la Cour. Les Avocats généraux ont pour mission de proposer en toute indépendance à la Cour une solution juridique pour l'affaire dont ils sont chargés.
 

L'Avocat général examine la compatibilité avec le droit communautaire de ces régimes nationaux qui réservent au pouvoir exécutif certaines prérogatives d'intervention :
- dans la structure de l'actionnariat,
- et dans la gestion d'entreprises privatisées relevant du domaine de l'économie stratégique.

- Le principe de ces “actions spécifiques”, quelle qu'en soit la forme (formalités d'autorisation administrative, actions privilégiées, nomination des organes sociaux), est examiné tout d'abord par l'Avocat général sous l'angle des obstacles qu'il peut représenter pour des non- nationaux pour le respect des libertés fondamentales d'établissement et de circulation des capitaux.

Dans ces conditions, l'Avocat général considère que le loi portugaise de 1990 est contraire au droit communautaire, dans la mesure où elle est discriminatoire à l'égard des ressortissants communautaires non portugais.

- L'Avocat général considère que, pour les restrictions applicables indistinctement aux nationaux et aux non-nationaux (décret-loi portugais de 1993; réglementations française et belge), il y a lieu de se référer aux dispositions du traité en vertu desquelles ce dernier ne préjuge en rien du régime de la propriété dans les Etats membres. A ses yeux, cette disposition vise à affirmer la neutralité du traité en matière de contrôle des entreprises en tant que moyens de production, l'Etat conservant la possibilité d'imposer certains objectifs de politique économique distincts de la recherche du profit maximum qui caractérise l'activité privée.

L'Avocat général estime que les régimes instaurant des actions spécifiques en faveur de l'Etat relèvent de ce principe de neutralité. Dans la mesure où ils visent indistinctement les nationaux comme les non nationaux, ces régimes ne sont pas en tant que tels contraires au traité. Seule leur mise en oeuvre concrète pourrait l'être.

Dans ces conditions, l'Avocat général propose à la Cour de valider les trois réglementations en cause.

N.B. : Une affaire C-463/00 concerne un recours en manquement de la Commission contre l'Espagne et une affaire C-98/01 concerne un recours de la Commission contre le Royaume-Uni. Ces deux recours ont été engagés pour les mêmes motifs et sont toujours pendants.

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