Conclusions de Monsieur l'Avocat général Dámaso Ruiz-Jarabo Colomer
AUX YEUX DE M. L'AVOCAT GÉNÉRAL DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER,
LES RÉGLEMENTATIONS NATIONALES INSTAURANT DES ACTIONS
SPÉCIFIQUES (GOLDEN SHARES) NE SONT PAS EN ELLES-MEMES
CONTRAIRES AU DROIT COMMUNAUTAIRE
- Ainsi, des dispositions réglementaires faisant suite à une loi portugaise de 1990 précisent
dans chaque cas la participation maximale étrangère autorisée, dans le cadre de la privatisation
de certaines entreprises. Un décret-loi de 1993 prévoit également un mécanisme d'autorisation
préalable du ministre des Finances pour l'acquisition d'actions représentant plus de 10% du
capital (avec droit de vote) de sociétés faisant l'objet d'une privatisation (sociétés nationalisées
après la révolution du 25 avril 1974, une révision constitutionnelle ayant permis leur
privatisation).
- En France, un décret de 1993 institue une action spécifique de l'Etat dans la Société
Nationale Elf-Aquitaine. Cette action est assortie de droits en vertu desquels le franchissement
de certains seuils de détention du capital ou des droits de vote par une personne physique ou
morale doit être approuvé par le ministre chargé de l'économie, ce dernier devant également
autoriser les projets de cession d'actifs concernant cette entreprise.
- Un arrêté royal belge de 1994 institue, enfin, au profit de l'Etat une action spécifique de la
Société nationale de Transport par Canalisations; en vertu de cette action spécifique, le
ministre en charge de l'énergie peut s'opposer au transfert de titres au profit de personnes
physiques ou morales s'il considère que les changements apportés au sein de la société
risqueraient de porter atteinte aux intérêts nationaux de la Belgique dans le domaine de
l'énergie.
La Commission estime que ces réglementations ne sont pas conformes à la liberté
d'établissement et à la libre circulation des capitaux.
L'Avocat général M. DÁMASO RUIZ-JARABO COLOMER rend aujourd'hui ses
conclusions.
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L'Avocat général examine la compatibilité avec le droit communautaire de ces régimes
nationaux qui réservent au pouvoir exécutif certaines prérogatives d'intervention :
- dans la structure de l'actionnariat,
- et dans la gestion d'entreprises privatisées relevant du domaine de l'économie stratégique.
- Le principe de ces actions spécifiques, quelle qu'en soit la forme (formalités d'autorisation
administrative, actions privilégiées, nomination des organes sociaux), est examiné tout d'abord
par l'Avocat général sous l'angle des obstacles qu'il peut représenter pour des non-
nationaux pour le respect des libertés fondamentales d'établissement et de circulation des
capitaux.
Dans ces conditions, l'Avocat général considère que le loi portugaise de 1990 est contraire au
droit communautaire, dans la mesure où elle est discriminatoire à l'égard des ressortissants
communautaires non portugais.
- L'Avocat général considère que, pour les restrictions applicables indistinctement aux
nationaux et aux non-nationaux (décret-loi portugais de 1993; réglementations française et
belge), il y a lieu de se référer aux dispositions du traité en vertu desquelles ce dernier ne
préjuge en rien du régime de la propriété dans les Etats membres. A ses yeux, cette disposition
vise à affirmer la neutralité du traité en matière de contrôle des entreprises en tant que
moyens de production, l'Etat conservant la possibilité d'imposer certains objectifs de politique
économique distincts de la recherche du profit maximum qui caractérise l'activité privée.
L'Avocat général estime que les régimes instaurant des actions spécifiques en faveur de l'Etat
relèvent de ce principe de neutralité. Dans la mesure où ils visent indistinctement les
nationaux comme les non nationaux, ces régimes ne sont pas en tant que tels contraires au
traité. Seule leur mise en oeuvre concrète pourrait l'être.
Dans ces conditions, l'Avocat général propose à la Cour de valider les trois réglementations
en cause.
N.B. : Une affaire C-463/00 concerne un recours en manquement de la Commission contre
l'Espagne et une affaire C-98/01 concerne un recours de la Commission contre le Royaume-Uni.
Ces deux recours ont été engagés pour les mêmes motifs et sont toujours pendants.
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