L'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs États
membres, d'une part, et la République de Pologne, d'autre part, 1(ci-après "l'accord"), prévoit la
"circulation des travailleurs". Conformément à l'accord, un travailleur de nationalité polonaise,
légalement employé sur le territoire d'un État membre ne doit faire l'objet d'aucune discriminationfondée sur la nationalité, en ce qui concerne les conditions de travail, de rémunération ou de
licenciement, par rapport aux ressortissants dudit État membre. L'accord prévoit également que
les États membres peuvent appliquer leurs propres dispositions nationales concernant, par
exemple, l'admission, le séjour, l'emploi et les conditions de travail, à condition que n'en soient
pas réduits à néant ou compromis les avantages que retire l'une des parties d'une disposition
spécifique dudit accord.
En vertu du droit allemand, (la loi allemande a été amendée avec effet au 24 août 1998 mais la
nouvelle législation ne s'applique pas, selon les juridictions allemandes, aux contrats conclus et
qui viennent à échéance avant cette date) des postes de lecteurs de langue étrangère peuvent être
pourvus au moyen de contrats de travail à durée déterminée alors que, pour les autres enseignants
chargés de tâches particulières, le recours à de tels contrats doit être justifié, au cas par cas, par
un motif objectif.
Melle Pokrzeptowicz-Meyer a introduit un recours devant les juridictions allemandes. Elle a fait
valoir que la loi nationale limitant la durée de son contrat avec le Land de Rhénanie-du-Nord-
Westphalie n'était pas justifiée. Le Bundesarbeitsgericht (Cour d'appel du travail) a déféré à la
Cour de justice des Communautés européennes des questions relatives à la compatibilité de cette
loi allemande avec l'accord.
L'Avocat général Jacobs a présenté ses conclusions dans cette affaire aujourd'hui.
Selon l'Avocat général, un travailleur de nationalité polonaise légalement employé dans un État
membre peut se fonder sur le principe de non-discrimination prévu dans l'accord dans une
procédure introduite devant les juridictions nationales des États membres contre une autorité
publique agissant en qualité d'employeur.
L'Avocat général Jacobs analyse ensuite la compatibilité de la loi allemande avec l'accord.
L'avocat général souligne qu'en vertu de la loi allemande, alors que les postes de lecteurs de
langue étrangère peuvent être pourvus au moyen de contrats à durée déterminée, pour les autres
enseignants chargés de tâches particulières, le recours à de tels contrats conclus pour une durée
déterminée doit être jusitifié, au cas par cas, par un motif objectif. L'Avocat général constate que
la majorité des lecteurs de langue étrangère sont d'une nationalité autre que celle de l'État dans
lequel ils sont employés et que dès lors, la différence de traitement prévue par la loi allemande
entraîne une discrimination indirecte fondée sur la nationalité.
Selon l'Avocat général, l'interdiction de discrimination prévue dans l'accord ne peut être
interprétée de manière étroite. Ainsi, elle s'applique aux discriminations indirectes autant que
directes fondées sur la nationalité en ce qui concerne les conditions de travail.
L'Avocat général rappelle le principe établi dans l'affaire Spotti 2, dans laquelle la Cour de justice
a été interrogée sur la question de savoir si une discrimination indirecte, en vertu de la même loi
allemande, entre des ressortissants allemands et des ressortissants d'autres États membres pouvait
être justifiée. Dans cette affaire la Cour a jugé que l'imposition d'un terme à des contrats de
travail conclus avec des lecteurs de langue étrangère ne pouvait être justifié. Selon l'Avocat
général, ce raisonnement est applicable aux lecteurs de nationalité polonaise dans le cadre de
l'accord.
Par ces motifs, l'Avocat général estime que la loi allemande n'est pas compatible avec
l'accord.
Jean-Michel Rachet: |
1 JO 1993, L 348, p. 2.2 Arrêt de la Cour du 20 octobre 1993, Spotti (C-272/92, Rec. p. I-5185).