Division de la Presse et de l'Information


COMMUNIQUE DE PRESSE N. 51/01


11 octobre 2001

Arrêt de la Cour de Justice dans les Affaires C-95/99 à C-98/99 et C-180/99

Mervett Khalil et autres / Bundesanstalt für Arbeit ;

Mohamad Nasser / Landeshauptstadt Stuttgart ; Meriem Addou / Land Nordrhein-Westfalen

DES APATRIDES OU DES RÉFUGIES NE PEUVENT PAS PRÉTENDRE AU VERSEMENT DE PRESTATIONS FAMILIALES AU TITRE DU DROIT COMMUNAUTAIRE LORSQU'ILS ONT IMMIGRÉ DIRECTEMENT AU DÉPART D'UN ÉTAT TIERS ET SE TROUVENT DANS UNE SITUATION NE PRÉSENTANT AUCUN FACTEUR DE RATTACHEMENT AU DROIT COMMUNAUTAIRE

La Cour de justice se prononce dans le cas de Palestiniens, de Kurdes, d'Algériens et de Marocains, qui, avec leurs familles, ont émigré en Allemagne et y séjournent comme apatrides ou réfugiés.


Mme Khalil et son époux (affaire C-95/99) sont des Palestiniens originaires du Liban qui, fuyant la guerre civile au Liban, sont arrivés en Allemagne (respectivement en 1984 et en 1986) où ils ont habité depuis lors sans interruption. La reconnaissance du statut de réfugié politique leur a été refusée. M. Chaaban et son épouse (affaire C-96/99) sont des Kurdes originaires du Liban qui, fuyant la guerre civile au Liban, sont arrivés en 1985 en Allemagne, où ils ont habité depuis lors sans interruption. La reconnaissance du statut de réfugié politique leur a été refusée. M. Chaaban possède, comme ses enfants, la nationalité libanaise. M. Osseili et son épouse (affaire C-97/99) sont arrivés en Allemagne en 1986. M. Osseili possède un document de voyage libanais pour réfugiés palestiniens. Sa demande d'asile n'a pas été accueillie. M. Nasser (affaire C-98/99) est détenteur d'un document de voyage libanais pour réfugiés palestiniens. Il séjourne en Allemagne avec sa famille depuis 1985. La reconnaissance du statut de réfugié politique lui a été refusée. Il est en possession d'un permis de séjour depuis le 30 avril 1998.

        En vertu du droit allemand, Mme Khalil et son époux, l'épouse de M. Chaaban ainsi que MM. Osseili et Nasser sont considérés comme des apatrides.

Privés du bénéfice des allocations familiales entre décembre 1993 et mars 1994 en application d'une nouvelle réglementation allemande, ces personnes ont motivé leurs recours contre les décisions les privant de ces avantages en soutenant qu'ils devaient être considérés, de même que leurs conjoints, comme des apatrides et dès lors devaient bénéficier de prestations familiales en vertu du droit communautaire qui leur permettrait d'être assimilés aux ressortissants allemands et aux autres ressortissants de l'Union. Leur versement ne devrait pas dépendre, selon eux, de la possession d'un titre de séjour particulier.

Mme Addou (Affaire C-180/99) est une ressortissante algérienne dont l'époux possédait, comme ses enfants, la nationalité marocaine. Il est ultérieurement devenu ressortissant allemand parnaturalisation après avoir bénéficié du statut de réfugié au sens de la convention de Genève. Mme Addou et son époux ont émigré de l'Algérie et du Maroc vers l' Allemagne en 1988 où ils vivent depuis lors sans interruption. La reconnaissance du droit d'asile leur a été refusée mais, en février 1994, ils ont reçu une autorisation de séjour et, en mai 1996, un permis de séjour.

Mme Addou a introduit un recours contre le refus du Land Nordrhein-Westfalen de lui verser l'allocation d'éducation. Ce recours a été accueilli par la juridiction d'appel qui a jugé que la possession d'un titre de séjour était sans incidence puisque, en qualité de membre de la famille d'un réfugié reconnu, Mme Addou devait être assimilée aux ressortissants allemands et aux autres ressortissants des États membres de l'Union européenne en vertu du droit communautaire.

Les intéressés se basent sur le règlement communautaire sur la sécurité sociale des travailleurs migrants et leurs familles, qui inclut dans son champ d'application les travailleurs qui sont apatrides ou réfugiés résidant sur le territoire d'un des États membres ainsi que les membres de leurs familles et leurs survivants. Pour le terme “réfugié” la réglementation communautaire renvoie à la convention internationale relative au statut des réfugiés (Genève 1951), et pour le terme “apatride” à la convention internationale relative au statut des apatrides (New York 1954).

Le Bundessozialgericht, saisi en dernière instance, interroge la Cour de Justice des Communautés européennes sur la validité et l'interprétation de ce règlement communautaire.
        
En ce qui concerne la validité, le Bundessozialgericht a des doutes sur la compétence du législateur communautaire pour régler la situation des apatrides et des réfugiés.

La Cour rappelle qu'en 1957 les six États membres fondateurs étaient déjà tous parties contractantes de la Convention de Genève de 1951 (réfugiés) et de la Convention de New York de 1954 (apatrides).

La Cour rappelle également que l'objectif ultime de la coordination des régimes nationaux en matière de sécurité sociale, déjà prévue dans le traité CEE de 1957, consiste à assurer une liberté aussi complète que possible pour la circulation des travailleurs.

La Cour estime qu'on ne peut pas reprocher au Conseil d'avoir inclus les apatrides et les réfugiés résidant sur le territoire des États membres, afin de tenir compte des engagements internationaux de ces derniers, dans le champ d'application du règlement communautaire sur la sécurité sociale des travailleurs migrants et leur famille.

La juridiction allemande demande également si les travailleurs qui sont des réfugiés ou des apatrides résidant sur le territoire de l'un des États membres, ainsi que les membres de leurs familles, peuvent invoquer les droits conférés par ledit règlement communautaire lorsqu'ils ont émigré dans cet État membre directement en provenance d'un pays tiers et ne se sont pas déplacés à l'intérieur de la Communauté.

La Cour rappelle que le droit communautaire vise pour les travailleurs migrants la coordination des régimes de sécurité sociale des États membres et le paiement des prestations dans le cadre de ces régimes ainsi coordonnés. Le règlement communautaire sur la sécurité sociale des travailleurs migrants et leur famille établit un ensemble de règles fondées sur l'interdiction de discrimination en raison de la nationalité ou de la résidence et sur le maintien par le travailleur des droits acquis en vertu du ou des régimes de sécurité sociale qui lui sont ou ont été appliqués.

La Cour renvoie à sa jurisprudence antérieure en vertu de laquelle ces règles ne s'appliquent pas aux situations qui ne présentent aucun facteur de rattachement au droit communautaire. Les avantages tirés de la qualité de travailleur migrant à l'intérieur de l'Union européenne ne peuvent pas être attribués à des apatrides ou réfugiés résidant dans un Etat membre lorsqu'ils se trouvent dans une situation dont tous les éléments se cantonnent à l'intérieur de ce seul État membre.


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