La République italienne et le royaume d'Espagne interdisent la commercialisation
sous la dénomination "chocolat" des produits qui contiennent outre le beurre de
cacao encore d'autres matières grasses végétales; de telles marchandises doivent
porter la dénomination "succédané de chocolat". Cette interdiction frappe le
chocolat fabriqué au Danemark, en Irlande, au Portugal, en Suède, en Finlande
et au Royaume-Uni qui tout en respectant la teneur minimale en beurre de cacao
contient encore d'autres matières grasses végétales jusqu'à 5 % au maximum. À
l'exception du royaume d'Espagne et de la République italienne, tous les autres
treize États membres admettent sa commercialisation sous la dénomination
"chocolat".
La Commission européenne considère que les dispositions italiennes et
espagnoles constituent une entrave à la libre circulation des marchandises qui est
incompatible avec le droit communautaire et elle conclut à ce que la violation du
traité CE soit constatée.
M. l'avocat général Siegbert Alber rend aujourd'hui ses conclusions.
L'opinion de l'avocat général ne lie pas la Cour. Les avocats généraux ont pour mission de proposer en toute indépendance à la Cour une solution juridique pour l'affaire dont ils sont chargés. |
L'avocat général rappelle, tout d'abord, que si une directive communautaire de
1973 établit une réglementation de l'utilisation de la dénomination "chocolat",
cette directive ne détermine cependant pas dans quelle mesure les produits qui
contiennent des matières grasses végétales en complément du beurre de cacao
peuvent être commercialisés sous la dénomination "chocolat". La réglementation
sur ce point n'a été arrêtée que par une directive communautaire de 2000 dont les
États membres doivent assurer la transposition en droit interne d'ici le mois d'août
2003 et qui, de ce fait, ne s'applique pas au présent litige.
L'avocat général expose que, selon la jurisprudence de la Cour de justice des
Communautés européennes, les États membres sont certes habilités à régler les
aspects qui ne sont que partiellement harmonisés, mais que ces réglementations
nationales doivent cependant être compatibles avec les dispositions du traité CE
relatives à la libre circulation des marchandises.
La réglementation italienne et la réglementation espagnole astreignent les
fabricants établis dans d'autres États membres à modifier la composition de leurs
produits légalement fabriqués sous la dénomination "chocolat" dans d'autres États
membres s'ils souhaitent les commercialiser en Italie et en Espagne sous la
dénomination "chocolat". De l'avis de l'avocat général, ces deux réglementations
nationales limitent par conséquent l'accès des produits légalement fabriqués dans
d'autres États membres aux marchés espagnol et italien et donc, entravent leur
libre circulation dans la Communauté.
Le fait que de tels produits peuvent être commercialisés sous la dénomination
"succédané de chocolat" n'y change rien, puisqu'il se peut que le consommateur
considère ces produits comme n'étant pas des produits à part entière et qu'il les
apprécie moins que les produits portant la dénomination "chocolat".
L'avocat général estime que l'entrave à la libre circulation des marchandises
n'est pas justifiée par la protection des consommateurs invoquée par la
République italienne et le royaume d'Espagne. L'interdiction de
commercialisation sous la dénomination "chocolat" et la possibilité de
commercialiser les produits en question sous la dénomination "succédané de
chocolat" sont certes susceptibles d'éviter une erreur aux consommateurs
espagnols et italiens. Toutefois, cette interdiction ne constitue pas la mesure la
moins restrictive qui permette d'informer ces consommateurs que le produit en
cause comprend outre le beurre de cacao, d'autres matières grasses végétales.
Dans des affaires analogues, portant sur la composition du produit, la Cour a
également considéré qu'un étiquetage suffit à assurer la protection des intérêts
des consommateurs.
À cet égard, la Cour a toujours pris pour référence un consommateur avisé dont
on peut raisonnablement penser et aussi exiger qu'il s'informe personnellement.
Ainsi, il y a lieu d'admettre que les consommateurs, dont la décision d'acheter estdéterminée par la composition des produits en cause, lisent d'abord la liste des
ingrédients. L'avocat général relève toutefois que la Cour a estimé que la limite
de ce qui peut être assuré grâce à un étiquetage adéquat est atteinte dans les cas
où le produit en cause a subi une modification substantielle du point de vue de
sa composition. Cela pourrait justifier une interdiction d'utiliser une
dénomination.
De l'avis de l'avocat général, il y a lieu de considérer le beurre de cacao comme
un "élément essentiel" du chocolat au sens de la directive communautaire de
1973. Les produits dont la commercialisation sous la dénomination "chocolat"
est interdite en Italie et en Espagne respectent cependant les teneurs minimales
en cacao prescrites par ladite directive. L'avocat général estime par conséquent
que l'addition d'autres matières grasses végétales jusqu'à 5 % au maximum
n'implique pas une modification substantielle de la composition de ce produit.
L'avocat général parvient dès lors à la conclusion qu'un étiquetage adéquat -
suffisamment clair - affecte moins la libre circulation des marchandises. De ce
point de vue, les réglementations espagnoles et italiennes sont
disproportionnées et, partant, non susceptibles de justifier l'entrave à la libre
circulation qui a été constatée.
Il convient de rappeler de nouveau qu'il y a lieu de statuer dans ces affaires en
fonction de la directive de 1973 qui ne détermine pas dans quelle mesure les
produits qui contiennent des matières grasses végétales autres que le beurre de
cacao peuvent être commercialisés sous la dénomination "chocolat", mais qu'il
existe en revanche dans la directive de 2000 (qui ne s'applique qu'à partir de
2003) des dispositions qui autorisent l'addition d'autres matières grasses végétales
jusqu'à 5 % au maximum.
Langues disponibles: toutes
Pour le texte intégral des conclusions, veuillez consulter notre page Internet
www.curia.eu.int
Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme Sophie Mosca-Bischoff, |