Lieselotte Kauer / Pensionsversicherungsanstalt der Angestellten
DISCRIMINATION PAR LE DROIT AUTRICHIEN AU CAS DE PÉRIODES CONSACRÉES
À L'ÉDUCATION D'UN ENFANT EFFECTUÉES DANS UN AUTRE ÉTAT
MEMBRE
La Cour de Justice constate l'incompatibilité de la réglementation
autrichienne avec le droit communautaire dans le cas d'une Autrichienne dont
les périodes consacrées à l'éducation des enfants et effectuées
en Belgique ne sont pas prises en considération pour la détermination
de ses périodes d'assurance vieillesse.
Le 1er janvier
1994, le règlement communautaire sur la sécurité sociale des
travailleurs migrants et de leurs familles (règlement (CEE)
no. 1408/71) a été rendu applicable à l'Autriche par l'accord
sur l'Espace économique européen (EEE). Par l'adhésion à
l'Union européenne, le traité CE est entré en vigueur
pour l'Autriche le 1er janvier 1995, prévoyant, entre
autres: le droit de tout citoyen de l'Union de circuler et de séjourner
librement sur le territoire des États membres, le principe de la libre
circulation des travailleurs, la liberté d'établissement.
A la demande de Mme
Kauer, la Pensionsversicherungsanstalt der Angestellten [ci-après: la Versicherung]
a reconnu, par décision du 6 avril 1998, que l'intéressée avait
totalisé, au 1er avril 1998, 355 mois d'assurance vieillesse
sous la législation autrichienne. Sur ce total, la Versicherung a reconnu
les 46 mois correspondant à la période comprise entre juillet 1966,
mois de la naissance du premier enfant de Mme Kauer, et avril 1970,
mois au cours duquel a eu lieu le déménagement en Belgique, comme
périodes assimilées consacrées à l'éducation des enfants,
conformément à la loi autrichienne (l'art. 227 a de l'Allgemeines
Sozialversicherungsgesetz).
Mme
Kauer a contesté cette décision. Selon elle, la Versicherung aurait
dû considérer non pas 46 mais 82 mois comme périodes assimilées
consacrées à l'éducation des enfants, la période au cours
de laquelle elle avait élevé ses enfants en Belgique devant être
considérée comme une période assimilée, conformément
au droit communautaire.
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2 -
La Versicherung a rejeté
cette demande. L'Oberster Gerichtshof, juridiction autrichienne saisie en dernière
instance, demande à la Cour de justice des CE si le règlement communautaire
sur la protection des travailleurs migrants et de leurs familles,
en liaison, selon le cas, avec les principes mentionnés du traité
CE, s'oppose à la réglementation autrichienne.
Selon celle-ci, les périodes consacrées à l'éducation des
enfants, accomplies dans un autre État partie à l'accord EEE ou dans
un autre État membre de l'Union européenne, ne sont considérées
comme périodes assimilées pour l'assurance vieillesse qu'à la
double condition qu'elles aient été accomplies après
l'entrée en vigueur de ce règlement dans le premier État, et
que le demandeur bénéficie ou ait bénéficié, pour les
enfants concernés, d'allocations de maternité en espèces ou d'allocations
équivalentes en vertu de la législation de ce même État,
alors que de telles périodes accomplies sur le territoire national
sont considérées comme des périodes assimilées pour l'assurance
vieillesse sans aucune limitation dans le temps ni autre condition.
La Cour de justice des CE répond qu'une réglementation nationale,
qui pose de telles conditions, est contraire au droit communautaire.
Sur la condition que les périodes consacrées à l'éducation
aient été accomplies après le
1er janvier 1994
La Cour précise que le
règlement n° 1408/71 prévoit la prise en compte de situations,
tel l'accomplissement de périodes d'assurance ou assimilées, nées
avant son entrée en vigueur, en vue de la détermination de droits
qui seraient acquis après son entrée en vigueur. Subordonner une telle
reconnaissance à la condition que les périodes concernées aient
été accomplies après la date d'entrée en vigueur du règlement
communautaire dans l'État considéré a pour effet de priver
de toute utilité les dispositions transitoires prévues par ce
règlement.
Une limitation dans le temps
telle que celle contenue dans la législation autrichienne est donc contraire
au règlement communautaire.
Sur l'exigence de bénéficier ou d'avoir bénéficié
d'allocations de maternité en espèces
ou d'allocations équivalentes en vertu de la législation fédérale
autrichienne
La Cour constate que la réglementation nationale en cause introduit,
pour la détermination des périodes d'assurance et assimilées
au titre de l'assurance vieillesse, une différence de traitement
en ce qu'elle prend en compte, sans condition, les périodes d'éducation
accomplies sur le territoire national et subordonne au bénéfice d'allocations
de maternité en espèces ou d'allocations équivalentes en vertu
de la législation fédérale autrichienne la prise en compte des
périodes d'éducation accomplies dans un autre État partie à
l'accord EEE ou dans un autre État membre.
Selon la Cour, une telle réglementation, lorsqu'elle s'applique aux périodes
d'éducation accomplies après l'adhésion de la république
d'Autriche à l'Union européenne, est de nature à défavoriser
les ressortissants communautaires ayant résidé ou travaillé
en Autriche, puis exercé, en qualité de travailleur, de membre de
la famille d'un travailleur ou encore de citoyen de l'Union, leur droit de circuler
et de séjourner librement dans les États membres, tel que garanti
au traité CE. En effet, c'est essentiellement pour ces ressortissants communautaires
que se pose le problème lié à l'accomplissement de périodes
consacrées à l'éducation des enfants en dehors de l'Autriche.
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3 -
Dans le cas où, comme dans l'affaire au principal, la réglementation
nationale s'applique à des périodes d'éducation accomplies antérieurement
à la date d'application dans l'État membre en cause du règlement
communautaire, la Cour estime que la liquidation d'un droit
à pension ouvert après l'adhésion de l'Autriche à l'Union
européenne, même sur la base de périodes d'assurance
accomplies avant cette date, doit être effectuée par les autorités
autrichiennes conformément au droit communautaire et, en particulier,
conformément aux dispositions du traité CE relatives à la libre
circulation des travailleurs ou encore à la liberté reconnue à
tout citoyen de l'Union de circuler et de séjourner sur le territoire des
États membres.
A cet égard, le règlement communautaire prévoit expressément
pour la liquidation de droits à prestation la prise en compte de périodes
d'assurance ou assimilées accomplies à une époque où, par
définition, la liberté de circulation des personnes n'était pas
encore garantie dans les relations entre l'État considéré et
celui sur le territoire duquel les périodes ont été accomplies.
Ainsi, la circonstance que Mme Kauer a séjourné en Belgique
avant l'entrée en vigueur de l'accord EEE ou avant l'adhésion de la
république d'Autriche à l'Union européenne ne saurait comme telle
faire obstacle à prendre en considération de telles périodes
pour le calcul de sa pension.
Or, l'exigence de bénéficier ou d'avoir bénéficié
d'allocations de maternité autrichiennes pour que puissent être prises
en compte les périodes d'éducation accomplies dans un autre État
membre avant l'entrée en vigueur du règlement no. 1408/71 risque de
rendre illusoire le bénéfice de cette règle d'assimilation.
En conséquence, la Cour considère que l'exigence de l'octroi d'allocations
de maternité en espèces ou d'allocations équivalentes en vertu
de la législation fédérale autrichienne est contraire au règlement
communautaire en liaison avec le traité CE.
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