Division de la Presse et de l'Information


COMMUNIQUE DE PRESSE N. 13/02


7 février 2002

Arrêt de la Cour dans l'affaire C-28/00

Lieselotte Kauer / Pensionsversicherungsanstalt der Angestellten

DISCRIMINATION PAR LE DROIT AUTRICHIEN AU CAS DE PÉRIODES CONSACRÉES À L'ÉDUCATION D'UN ENFANT EFFECTUÉES DANS UN AUTRE ÉTAT MEMBRE

La Cour de Justice constate l'incompatibilité de la réglementation autrichienne avec le droit communautaire dans le cas d'une Autrichienne dont les périodes consacrées à l'éducation des enfants et effectuées en Belgique ne sont pas prises en considération pour la détermination de ses périodes d'assurance vieillesse.

Mme Kauer, de nationalité autrichienne, a achevé ses études en juin 1960. Elle a travaillé en Autriche de 1960 à 1964. Ensuite, ses trois enfants sont nés respectivement en 1966, en 1967 et en 1969. En 1970, elle a transféré, avec sa famille, sa résidence en Belgique où elle n'a pas travaillé. Après son retour en Autriche, elle a recommencé à travailler et a accompli des périodes d'assurance obligatoire à compter de septembre 1975.

        Le 1er janvier 1994, le règlement communautaire sur la sécurité sociale des travailleurs migrants et de leurs familles (règlement (CEE) no. 1408/71) a été rendu applicable à l'Autriche par l'accord sur l'Espace économique européen (EEE). Par l'adhésion à l'Union européenne, le traité CE est entré en vigueur pour l'Autriche le 1er janvier 1995, prévoyant, entre autres: le droit de tout citoyen de l'Union de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, le principe de la libre circulation des travailleurs, la liberté d'établissement.

        A la demande de Mme Kauer, la Pensionsversicherungsanstalt der Angestellten [ci-après: la “Versicherung”] a reconnu, par décision du 6 avril 1998, que l'intéressée avait totalisé, au 1er avril 1998, 355 mois d'assurance vieillesse sous la législation autrichienne. Sur ce total, la Versicherung a reconnu les 46 mois correspondant à la période comprise entre juillet 1966, mois de la naissance du premier enfant de Mme Kauer, et avril 1970, mois au cours duquel a eu lieu le déménagement en Belgique, comme périodes assimilées consacrées à l'éducation des enfants, conformément à la loi autrichienne (l'art. 227 a de l'Allgemeines Sozialversicherungsgesetz).

                Mme Kauer a contesté cette décision. Selon elle, la Versicherung aurait dû considérer non pas 46 mais 82 mois comme périodes assimilées consacrées à l'éducation des enfants, la période au cours de laquelle elle avait élevé ses enfants en Belgique devant être considérée comme une période assimilée, conformément au droit communautaire.

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        La Versicherung a rejeté cette demande. L'Oberster Gerichtshof, juridiction autrichienne saisie en dernière instance, demande à la Cour de justice des CE si le règlement communautaire “sur la protection des travailleurs migrants et de leurs familles”, en liaison, selon le cas, avec les principes mentionnés du traité CE, s'oppose à la réglementation autrichienne.
    
Selon celle-ci, les périodes consacrées à l'éducation des enfants, accomplies dans un autre État partie à l'accord EEE ou dans un autre État membre de l'Union européenne, ne sont considérées comme périodes assimilées pour l'assurance vieillesse qu'à la double condition qu'elles aient été accomplies après l'entrée en vigueur de ce règlement dans le premier État, et que le demandeur bénéficie ou ait bénéficié, pour les enfants concernés, d'allocations de maternité en espèces ou d'allocations équivalentes en vertu de la législation de ce même État, alors que de telles périodes accomplies sur le territoire national sont considérées comme des périodes assimilées pour l'assurance vieillesse sans aucune limitation dans le temps ni autre condition.

La Cour de justice des CE répond qu'une réglementation nationale, qui pose de telles conditions, est contraire au droit communautaire.

Sur la condition que les périodes consacrées à l'éducation aient été accomplies après le
1er janvier 1994

        La Cour précise que le règlement n° 1408/71 prévoit la prise en compte de situations, tel l'accomplissement de périodes d'assurance ou assimilées, nées avant son entrée en vigueur, en vue de la détermination de droits qui seraient acquis après son entrée en vigueur. Subordonner une telle reconnaissance à la condition que les périodes concernées aient été accomplies après la date d'entrée en vigueur du règlement communautaire dans l'État considéré a pour effet de priver de toute utilité les dispositions transitoires prévues par ce règlement.

        Une limitation dans le temps telle que celle contenue dans la législation autrichienne est donc contraire au règlement communautaire.

Sur l'exigence de bénéficier ou d'avoir bénéficié d'allocations de maternité en espèces
ou d'allocations équivalentes en vertu de la législation fédérale autrichienne

La Cour constate que la réglementation nationale en cause introduit, pour la détermination des périodes d'assurance et assimilées au titre de l'assurance vieillesse, une différence de traitement en ce qu'elle prend en compte, sans condition, les périodes d'éducation accomplies sur le territoire national et subordonne au bénéfice d'allocations de maternité en espèces ou d'allocations équivalentes en vertu de la législation fédérale autrichienne la prise en compte des périodes d'éducation accomplies dans un autre État partie à l'accord EEE ou dans un autre État membre.

Selon la Cour, une telle réglementation, lorsqu'elle s'applique aux périodes d'éducation accomplies après l'adhésion de la république d'Autriche à l'Union européenne, est de nature à défavoriser les ressortissants communautaires ayant résidé ou travaillé en Autriche, puis exercé, en qualité de travailleur, de membre de la famille d'un travailleur ou encore de citoyen de l'Union, leur droit de circuler et de séjourner librement dans les États membres, tel que garanti au traité CE. En effet, c'est essentiellement pour ces ressortissants communautaires que se pose le problème lié à l'accomplissement de périodes consacrées à l'éducation des enfants en dehors de l'Autriche.


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Dans le cas où, comme dans l'affaire au principal, la réglementation nationale s'applique à des périodes d'éducation accomplies antérieurement à la date d'application dans l'État membre en cause du règlement communautaire, la Cour estime que la liquidation d'un droit à pension ouvert après l'adhésion de l'Autriche à l'Union européenne, même sur la base de périodes d'assurance accomplies avant cette date, doit être effectuée par les autorités autrichiennes conformément au droit communautaire et, en particulier, conformément aux dispositions du traité CE relatives à la libre circulation des travailleurs ou encore à la liberté reconnue à tout citoyen de l'Union de circuler et de séjourner sur le territoire des États membres.

A cet égard, le règlement communautaire prévoit expressément pour la liquidation de droits à prestation la prise en compte de périodes d'assurance ou assimilées accomplies à une époque où, par définition, la liberté de circulation des personnes n'était pas encore garantie dans les relations entre l'État considéré et celui sur le territoire duquel les périodes ont été accomplies. Ainsi, la circonstance que Mme Kauer a séjourné en Belgique avant l'entrée en vigueur de l'accord EEE ou avant l'adhésion de la république d'Autriche à l'Union européenne ne saurait comme telle faire obstacle à prendre en considération de telles périodes pour le calcul de sa pension.

Or, l'exigence de bénéficier ou d'avoir bénéficié d'allocations de maternité autrichiennes pour que puissent être prises en compte les périodes d'éducation accomplies dans un autre État membre avant l'entrée en vigueur du règlement no. 1408/71 risque de rendre illusoire le bénéfice de cette règle d'assimilation.

En conséquence, la Cour considère que l'exigence de l'octroi d'allocations de maternité en espèces ou d'allocations équivalentes en vertu de la législation fédérale autrichienne est contraire au règlement communautaire en liaison avec le traité CE.

        
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