Division de la Presse et de l'Information


COMMUNIQUE DE PRESSE N. 44/02


7 mai 2002

Ordonnance de référé du Président du Tribunal de première instance dans l'affaire T-306/01R

Abdirisak Aden e. a. / Conseil de l'Union européenne et Commission

LE RÈGLEMENT COMMUNAUTAIRE QUI ETEND LE GEL DES FONDS DÉCIDÉ À L'ENCONTRE DES TALIBAN D'AFGHANISTAN À CERTAINS CITOYENS SUÉDOIS DEMEURE APPLICABLE

Le Président du Tribunal de première instance rejette la demande de suspension de ce règlement pour défaut d'urgence

Le 15 octobre 1999, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution exigeant que les Taliban remettent Oussama ben Laden aux autorités compétentes. Afin d'assurer le respect de cette obligation, la résolution dispose que tous les États devront, notamment, geler les fonds et autres ressources financières des Taliban, tels qu'identifiés par le “comité des sanctions contre les Taliban”.

Afin de mettre en oeuvre cette résolution, le Conseil de l'UE a adopté, le 15 novembre 1999, une position commune relative aux mesures restrictives à l'encontre des Taliban, prescrivant le gel des fonds et autres ressources financières détenus à l'étranger par les Taliban.

Le 19 décembre 2000, le Conseil de sécurité des Nations Unies a adopté une résolution chargeant le comité des sanctions contre les Taliban d'établir une liste des individus et entités identifiés comme étant associés à Oussama ben Laden.

Le 6 mars 2001, le Conseil de l'UE a adopté, sur la base de dispositions du traité CE, un règlement prévoyant le gel de tous les fonds et autres ressources financières appartenant à toute personne physique ou morale, toute entité ou tout organisme désigné par le comité des sanctions contre les Taliban. La liste des personnes ou entités en cause figure dans une annexe du règlement. C'est à la Commission qu'il revient de modifier ou de compléter cette liste sur la base des décisions du comité des sanctions contre les Taliban.

MM. Aden, Ali et Yusuf sont des citoyens suédois d'origine somalienne.Al Barakaat International Foundation est une association sans but lucratif de droit suédois qui facilite le transfert de fonds des personnes d'origine somalienne vivant en Suède vers la Somalie.

En novembre 2001, le comité des sanctions contre les Taliban a ajouté les noms de ces trois personnes et celui de l'association à la liste de ceux dont les ressources financières doivent être gelées. Par un règlement de la Commission du 12 novembre 2001 ces noms ont été ajoutés, avec d'autres, à la liste des personnes identifiées par le comité des sanctions.

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Par requête, déposée le 10 décembre 2001, MM. Aden, Ali et Yusuf, ainsi que Al Barakaat International Foundation, ont demandé au Tribunal de première instance des CE d'annuler le règlement de la Commission du 12 novembre 2001.

Le 8 mars 2002, les requérants ont demandé que le règlement ayant pour effet de geler leurs avoirs soit suspendu. Après l'audience, à laquelle était représenté le Royaume de Suède, le juge des référés a posé plusieurs questions écrites au gouvernement suédois. Le 15 avril dernier, les requérants ont commenté les réponses reçues.

Par ordonnance du 7 mai 2002, le Président du Tribunal de première instance des CE rejette la demande en référé.

Les demandes relatives à des mesures provisoires doivent spécifier les circonstances établissant l'urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l'octroi des mesures auxquelles elles concluent. En l'occurrence, le président du Tribunal estime que la condition relative à l'urgence n'est pas satisfaite.

Concernant le préjudice d'ordre pécuniaire, le Président du Tribunal relève que l'entrée en vigueur du règlement a eu pour effet immédiat de geler les avoirs de MM. Yusuf, Aden et Ali, de sorte que ces derniers, depuis que ce règlement a été adopté, sont dans l'incapacité d'effectuer une quelconque opération financière.

Cependant, il constate que M. Yusuf et son épouse ont demandé l'aide sociale aux autorités de la municipalité de Stockholm, laquelle leur a été accordée depuis novembre 2001. M. Aden n'a pas introduit de demande d'aide sociale auprès de cette même municipalité, bien que les autorités suédoises aient affirmé qu'elles traiteraient sa demande de la même manière que celle déposée par M. Yusuf: il a ainsi, par sa propre attitude, contribué à la survenance du préjudice qu'il invoque. Quant à M. Ali, il est en droit de demander le bénéfice de l'aide sociale et a entrepris des démarches en ce sens. Depuis novembre 2001, la caisse de sécurité sociale suédoise verse des allocations familiales pour les enfants de chacun des trois requérants.

Dans ces circonstances, il estime que les requérants disposent d'une somme devant leur permettre de faire face à l'ensemble des dépenses indispensables pour assurer la satisfaction de leurs besoins élémentaires et ceux de leur famille jusqu'au moment où il sera statué sur le fond du recours.

En ce qui concerne MM. Yusuf et Ali, le président prend néanmoins soin de préciser qu'un changement de circonstances peut être de nature à modifier l'appréciation en l'espèce du critère de l'urgence.

Concernant le préjudice moral dont se prévalent les requérants, il serait constitué, en substance, par l'atteinte portée à leur réputation, à leur honneur et à leur dignité, ainsi que celle portée à leur famille.

Le Président relève à cet égard que s'il n'est pas exclu qu'un sursis à l'exécution du règlement puisse remédier à un préjudice moral de cette nature, il convient néanmoins de constater qu'un tel sursis ne pourrait le faire plus que ne le fera, à l'avenir, une éventuelle annulation de ce règlement au terme de la procédure au principal.

Concernant le préjudice allégué pour Al Barakaat International Foundation, il serait constitué par l'impossibilité pour Al Barakaat International Foundation d'exercer son activité du fait de l'application du règlement. Le Président considère que s'il n'est pas contesté que Al Barakaat International Foundation a dû cesser son activité du fait du règlement, ce préjudice ne saurait être considéré comme grave dès lors que cette association est dépourvue de tout but lucratif.

Le Président conclut que la condition relative à l'urgence n'est pas remplie.

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N.B. Cette ordonnance ne préjuge aucunement la solution qui sera rendue par le Tribunal dans l'affaire au fond. Le Tribunal prononcera l'arrêt au fond ultérieurement.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas le Tribunal de Première Instance.

Langues disponibles: français et suédois

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