En 1993, la Cour de justice a rendu un arrêt dans l'affaire Ponente Carni,
qui a conduit différentes juridictions italiennes à déclarer
la taxe de concession contraire à la directive 69/335/CEE sur les impôts
indirects frappant les rassemblements de capitaux; mais la Cour a également
établi que sont légitimes des droits ayant un caractère rémunératoire
par rapport au coût d'opérations imposées par la loi dans un
but d'intérêt général même si, sous réserve de
certaines conditions, ces droits sont calculés de manière forfaitaire.
Un décret-loi de 1993 a alors fixé le montant unique de 500.000
ITL pour l'inscription de l'acte constitutif (en supprimant la perception chaque
année ultérieure) et 250.000 ITL pour tous les autres actes.
En conséquence, de nombreux contentieux ont été introduits
devant les juges italiens pour obtenir le remboursement de taxes de concession
indûment acquittées entre 1985 et 1992.
Dans ce cadre, en 1996, la Corte di Cassazione a établi que ces remboursements étaient soumis au délai de forclusion de 3 ans à partir du moment du paiement prévu par le décret de 1972, en ce qui concerne les taxes versées par erreur.
Interrogée sur la compatibilité d'un tel délai avec le droit
communautaire, la Cour de justice, dans des arrêts de 1998 (Edis e.a.),
a jugé que les États membres conservent le droit d'opposer un délai
de forclusion aux demandes de remboursement de taxes perçues en violation
du droit communautaire, même si ce délai est moins favorable que celui
de la répétition de l'indu entre particuliers, à condition qu'il
s'applique aussi bien aux actions fondées sur le droit communautaire qu'à
celles fondées sur le droit interne et qu'il ne soit pas spécifiquement
adopté pour faire échec auxdites demandes de remboursement après
que l'incompatibilité des taxes en cause avec le droit communautaire a
été établie.
La Cour de justice a également jugé que les modalités de calcul
des intérêts sur les sommes à rembourser, elles aussi, peuvent
être moins favorables que dans les actions entre particuliers, à condition
que les modalités soient équivalentes à celles appliquées
pour les procédures fondées sur le droit interne pour le même
type de taxes.
Une loi de 1998 (loi de finance pour 1999) a rétroactivement instauré
de nouvelles taxes de concession pour les années 1985-1992 selon les modalités
suivantes: paiement (une seule fois) de 500.000 ITL pour l'inscription de l'acte
constitutif et paiement forfaitaire annuel pour l'inscription des autres actes.
Cette loi précisait que la demande de remboursement des anciennes taxes
indûment acquittées devait être introduite dans le délai
de trois ans à compter de la date du paiement et fixait un taux d'intérêt,
qui, d'après les juges des renvois, était inférieur à celui
applicable aux demandes du même genre fondées sur le droit national.
Les questions préjudicielles portent essentiellement sur trois aspects
:
1.
Sur les taxes rétroactives
Les parties ont soutenu que la rémunération du service rendu pour
l'inscription a déjà été couverte par des droits de chancellerie
perçus par ailleurs et qu'en tout état de cause les taxes ne sont
pas rémunératoires d'un service rendu, du fait que certaines sont
perçues sans aucune inscription effective et que les coûts réels
du service n'ont pas été calculés préalablement.
La Cour rappelle que ce type de taxe est interdit par la directive, sauf à
avoir un caractère rémunératoire.
En pratique, les taxes forfaitaires rétroactives instituées en 1998
s'ajoutent aux taxes similaires déjà versées entre 1985 et 1992:
si, à cause du délai de forclusion, ces dernières ne peuvent
pas être remboursées, on ne peut pas reconnaître aux taxes rétroactives
un caractère rémunératoire.
En revanche, pour les sociétés pouvant prétendre au remboursement,
ce sont les juges nationaux qui doivent vérifier si les taxes rétroactives
présentent ou non un caractère rémunératoire en tenant compte
des critères déjà dégagés par la Cour.
En se référant aux droits de chancellerie, la Cour rappelle aux
juges nationaux que les États membres sont, le cas échéant, libres
de percevoir parallèlement plusieurs rétributions, pourvu que le total
ne dépasse pas le coût du service rendu. Ils peuvent également
prendre en compte l'ensemble des coûts des opérations, y compris la
fraction des frais généraux qui leur sont imputables.
2.
Sur le délai de forclusion
Conformément à sa jurisprudence (Edis, 1998), la Cour rappelle
que l'interprétation de la Cour de Cassation de 1996, reprise dans la loi
de 1998, concernait une disposition déjà en vigueur avant les déclarations
d'incompatibilité faisant suite à l'arrêt Ponente Carni de 1993
et concernait l'ensemble des taxes de concession italiennes.
En conséquence, le droit national peut prévoir un délai
de forclusion de 3 ans qui déroge au régime de répétition
de l'indu entre particuliers, puisqu'il s'applique de la même manière
aux actions de remboursement fondées sur le droit interne.
Par ailleurs, ce délai ne rend pas en pratique impossible ou excessivement
difficile l'exercice des droits conférés par l'ordre juridique communautaire,
puisque son respect s'apprécie à partir du moment où a été
déposée la demande de remboursement. Aussi, la loi de 1998 ne modifie-t-elle
pas la réglementation applicable antérieurement.
3.
Sur les modalités de calcul des intérêts applicables aux remboursements
Les parties font valoir qu'un taux défavorable est appliqué
au remboursement des taxes déclarées contraires au droit communautaire
à la suite de l'arrêt Ponente Carni.
La Cour, dans le droit fil de sa jurisprudence, déclare que les modalités
de remboursement doivent s'appliquer indifféremment aux recours formés
sur la base du droit communautaire et à ceux établis sur une méconnaissance
du droit interne. Des modalités de calcul peuvent être moins favorables
pour la restitution d'impositions indûment perçues, par rapport à
la répétition de l'indu entre particuliers, pourvu que ces modalités
s'appliquent de la même manière aux actions fondées sur le droit
interne et à celles qui le sont sur le droit communautaire.
Toutefois, le remboursement d'une imposition qui a été déclarée
contraire au droit communautaire à la suite d'un arrêt de la Cour
ne peut pas être soumis à des conditions spécifiques moins favorables
que celles qui seraient appliquées en leur absence.
Il appartient au juge national de vérifier si les circonstances
de fait doivent conduire à écarter le taux d'intérêt prévu
par la loi de 1998.
Langues disponibles : FR, IT, EN Pour le texte intégral des arrêts, veuillez consulter notre
page Internet www.curia.eu.int Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme S. Mosca-Bischoff
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