Le Tribunal de première instance rend aujourd'hui deux arrêts relatifs
aux recours déposés par le groupe français Schneider Electric
contre le veto de la Commission à sa fusion avec Legrand, lui aussi français
et également producteur de matériels électriques basse tension,
et contre une seconde décision de la Commission ordonnant en conséquence
la séparation des deux sociétés. Un peu plus de trois mois seulement
se sont écoulés entre les audiences et les arrêts de ce jour,
résultat de la procédure accélérée obtenue par Schneider
en mai 2002 , en contrepartie de laquelle elle a réduit le nombre
d'arguments exposés dans sa requête. La Commission avait par
ailleurs repoussé la date à laquelle les deux entreprises devaient
être séparées afin de permettre au Tribunal de statuer en temps
utile.
Selon la Commission, les effets de cette opération sur la concurrence
affecteraient l'ensemble des matériels utilisés pour la distribution
de l'électricité et le contrôle des circuits électriques
à différents niveaux (habitation, bureau, usine). Cela recouvre une
large gamme de produits allant des tableaux de distribution aux prises et interrupteurs
en passant par les supports de câbles.
L'annulation de la première décision de la Commission
résulte d'une appréciation du Tribunal en deux temps :
*
dans un premier volet, il remet en cause l'analyse économique
conduite par la Commission à l'appui de son refus de la fusion, en
ne l'acceptant que pour les marchés sectoriels français;
*
dans un second volet concernant ces seuls marchés,
il s'attache à la procédure suivie par la Commission lors de l'examen
du projet et constate une irrégularité de caractère formel, constitutive
d'une violation des droits de la défense, au vu de la discordance entre
la communication des griefs et la décision de la Commission.
En premier lieu, le Tribunal décèle plusieurs erreurs manifestes,
omissions et contradictions dans le raisonnement économique tenu par la
Commission. Ainsi, après avoir retenu la dimension nationale des marchés
géographiques pour démontrer le renforcement ou la création
d'une position dominante de l'entité fusionnée, la Commission fonde
son appréciation de l'impact de l'opération de concentration sur des
considérations transnationales , globales et extrapolées à partir
d'un seul marché sans en démontrer la pertinence au niveau
national . De même, sa démonstration de la position incontournable
que générerait la fusion des deux sociétés à l'égard
des grossistes n'est étayée que par des données générales,
alors que des analyses plus pointues à l'échelle nationale auraient
été plus pertinentes et convaincantes.
En outre, à défaut d'un examen précis des marchés affectés
pays par pays, l'argument tiré d'un potentiel effet de gamme et de portefeuille
inégalé ne convainc pas le Tribunal. Que Schneider détienne de
fortes parts dans les marchés d'équipements électriques ultra
terminaux dans les pays nordiques et que Legrand soit davantage implanté
dans le sud de l'Europe ne permet pas d'inférer que les produits du groupe
Schneider-Legrand couvriront l'ensemble des produits électriques .
Cela a conduit la Commission à surestimer la puissance économique
du groupe . De même, relève le Tribunal, la Commission a surestimé
la puissance économique de l'entité fusionnée en appréciant
les parts de marché du groupe au regard de celles sous-estimées
de ces deux principaux concurrents (Siemens et ABB) sans y intégrer les
ventes internes de composants pour tableaux électriques que ces derniers
réalisent avec leurs filiales spécialisées.
Les chiffres et les données relatives aux marchés italiens et danois
concourent à mettre en doute les conclusions de la Commission.
Nonobstant les lacunes constatées dans l'appréciation
de l'impact de l'opération le Tribunal reconnaît que, s'agissant
des marchés sectoriels français où les deux sociétés
détiennent des parts considérables, la conclusion de la Commission
quant à la position dominante et l'élimination de la concurrence peut
être acceptée, compte tenu des éléments de fait rapportés.
C'est donc au regard des seuls marchés français affectés
par la concentration que, dans un second temps, le Tribunal examine l'argument
de Schneider tiré d'une modification substantielle de la nature des
griefs de la Commission entre l'exposé qu'elle en a fait aux parties
et la décision finale, ici attaquée. L'exposé des griefs, en
effet, a pour but de permettre à l'entreprise de proposer des solutions
aux problèmes identifiés et de faire valoir sa défense avant
que la Commission n'adopte une décision définitive. Dans la communication
des griefs notifiée, l'accent était mis sur le chevauchement
des activités de Schneider-Legrand sur certains marchés et le renforcement
de Schneider vis-à-vis des grossistes qui en résulterait. Dans la
décision qui fait l'objet du litige, la Commission utilise le terme d'adossementqui
se réfère à deux positions prépondérantes détenues
dans un seul pays par deux entreprises sur deux marchés sectorielsdistincts
mais complémentaires. Le sens du grief étant différent, Schneider
s'est trouvée dans l'impossibilité de présenter des mesures correctives
appropriées. En procédant de la sorte et en ne permettant pas à
Schneider de proposer des offres de désengagement appropriées, la
Commission a commis une violation des droits de la défense.
Cet arrêt annule donc la décision d'interdiction . Le
Tribunal précise que, si la compatibilité était à nouveau
examinée (si Schneider maintenait sa volonté d'acquérir Legrand),
la procédure devrait recommencer par la mise au point d'une communication
des griefs précise et ne porter que sur les marchés français
seuls à avoir été identifiés comme étant affectés
par la mise en oeuvre de la fusion.
Pour ce qui est de l'affaire T-77/02 relative à la seconde décision
de la Commission imposant la séparation de Legrand et de Schneider, décision
ayant pour base légale la décision relative à l'interdiction
de la fusion, l'annulation de cette dernière entraîne par
voie de conséquence l'annulation de la seconde décision
qui se trouve privée de fondement .
Rappel : un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être
formé devant la Cour de justice des Communautés européennes contre
une décision du Tribunal dans les deux mois à compter de sa notification.
Langues disponibles : DA, DE, EN, ES, FR, GR, IT, PT. Pour le texte intégral de l'arrêt, veuillez consulter notre
page Internet Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme S. Mosca Bischoff Des images de l'audience seront disponibles sur Europe by
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