Le Tribunal de première instance, statuant en procédure accélérée,
rend, dans un délai de neuf mois, deux arrêts relatifs aux recours
déposés par le groupe Tetra Laval BV, leader mondial dans le domaine
des emballages en carton. Ces recours portent, d'une part, sur le veto de
la Commission à la fusion de la filiale française du groupe Tetra
Laval avec la société française Sidel, principalement active
dans la conception et la production d'équipements et de bouteilles en plastique
polyéthylène téréphtalate (PET) et, d'autre part, sur
une seconde décision de la Commission ordonnant en conséquence la
séparation des deux sociétés.
L'opération de concentration en cause concerne le secteur industriel
de l'emballage des liquides alimentaires. Elle pourrait avoir, selon la Commission,
des incidences dommageables sur la concurrence dans plusieurs marchés:
celui de certaines machines d'emballage en PET, sur lequel Sidel
détient une position prééminente; celui des machines
de production et des emballages en carton aseptique, sur lequel Tetra Laval
détient une position dominante, et celui du PEHD (un
plastique constitué à base de polyéthylène à haute
densité) et des machines qui fabriquent les conditionnements dans ce matériau.
Dans l'arrêt annulant la première décision, le Tribunal
juge que, contrairement à ce que soutenait Tetra Laval, aucune violation
du droit d'accès au dossier n'a été commise par la Commission.
En revanche, sur le fond, le Tribunal accueille les moyens de Tetra Laval.
Il considère, tout d'abord, que les conséquences anticoncurentielles
de l'opération de concentration ont été surestimées
sur les marchés identifiés par la Commission, pour autant que celle-ci
justifie, au moins en partie, son veto par des effets horizontaux (le
contrôle des équipements PET par l'entité fusionnée) et
verticaux ( risque de création d'une structure verticale
intégrée) résultant immédiatement de la concentration.
Le Tribunal se prononce, ensuite, sur l'analyse des effets de conglomérat,
c'est-à-dire sur les effets résultant du regroupement d'entreprises
actives pour l'essentiel sur des marchés différents (carton et PET)
et qui ne sont pas en concurrence directe.
Au soutien de ce qui est la justification essentielle de l'interdiction décidée
par la Commission, celle-ci prétend qu'il ne peut pas être exclu
que des répercussions anticoncurrentielles soient induites, à l'avenir,
par la fusion. Elle appuie son argumentation sur, respectivement, l'effet
de levier, l'élimination de la concurrence potentielle et le renforcement
de la position concurrentielle de l'entité nouvellement constituée.
À cet égard, si le Tribunal légitime la possibilité
pour la Commission d'examiner les effets de conglomérat engendrés
par une nouvelle structure lors de l'appréciation de la compatibilité
d'une fusion, il ne partage toutefois pas les conclusions auxquelles aboutit
la Commission dans cette affaire.
À propos de l'effet de levier, la Commission part du postulat
que les chevauchements actuels des marchés en cause tendront, à plus
ou moins long terme, à se confirmer de sorte que Tetra Laval, forte de
sa position dominante sur le marché du carton, exhortera probablement certains
de ses clients actuels à basculer, pour autant qu'ils le souhaitent,
vers l'emballage en PET moyennant des équipements produits par Sidel.
Le Tribunal retient que, en principe, la mise en oeuvre de la concentration
pourrait permettre d'exercer un tel effet de levier, mais il estime que la Commission
ne démontre pas que la nouvelle entité sera incitée à utiliser
cette possibilité.
Il réfute, entre autres, ses projections de forte croissance du marché
du PET, ne serait-ce que parce que le segment des produits laitiers liquides
(PLL) les infirme, et parce que ses analyses sur les jus de fruits sont trop
incomplètes pour étayer l'affirmation d'un remplacement des contenants
actuels en verre par d'autres conditionnements en PET plutôt qu'en carton
ou en PEHD. Le Tribunal estime que la Commission ne fournit pas davantage d'éléments
convaincants dans son examen des modes potentiels d'exercice de l'effet de levier
qui, exercés, selon la Commission, depuis les marchés du carton aseptique,
conduiraient, d'ici à 2005, à la création en faveur de la nouvelle
entité d'une position dominante, sur les différents marchés d'équipements
PET. Pour les machines dites SBM 1 à forte capacité où
Sidel est particulièrement prééminente, la décision de la
Commission est entachée de divers manques d'analyse (notamment sur la bière
et les jus), d'erreurs de raisonnements relatives à la marginalisation
des concurrents et des intermédiaires (les convertisseurs).
Relativement à l'élimination de la concurrence potentielle sur
les marchés du carton aseptique, constituée par les entreprises
actives sur les marchés d'équipements PET, le Tribunal estime que
les preuves ne sont pas suffisantes pour justifier la conclusion de la Commission
selon laquelle la position dominante de Tetra Laval se trouvera renforcée.
Le renforcement de la position globale de l'entité issue
de la concentration n'étant pas un élément du raisonnement
dissociable de l'analyse de l'effet de levier et de l'élimination de la
concurrence potentielle, il est écarté par le Tribunal compte tenu
des conclusions auxquelles il est déjà parvenu .
Pour ce qui est de l'affaire T-80/02, qui concerne la seconde décision
de la Commission imposant la séparation de Tetra Laval et de Sidel, décision
ayant pour base légale la décision relative à l'interdiction
de la fusion, l'annulation de cette dernière entraîne par voie de
conséquence l'annulation de la seconde décision qui se trouve privée
de fondement.
Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme S. Mosca-Bischoff,
Tel.: (352) 43 03 3205; Fax: (352) 43 03 2034.
Des images de l'audience sont disponibles sur Europe by Satellite
Commission Européenne, Service de Presse et d'Information, L - 2920 Luxembourg,
tél: (352) 4301 35177, fax (352) 4301 35249,
ou B-1049 Bruxelles, tél. (32) 2 2964106, fax (32) 2 2965956 ou (32)
2 2301280
1 Machines Stretch Blow Moulding i.e d'étirage, de soufflage et de moulage utilisées dans la production des bouteilles PET.