Artegodan GmbH, Bruno Farmaceutici SpA e.a., Schuck GmbH, Laboratórios Roussel Lda,
Laboratoires Roussel Diamant SARL e.a., Gerot Pharmazeutika GmbH, Cambridge
Healthcare Supplies Ltd et Laboratoires pharmaceutiques Trenker SA / Commission
Les conditions de retrait d'une autorisation doivent être interprétées conformément au
principe général de la protection de la santé publique.
Une simple évolution de consensus concernant l'efficacité de ces médicaments dans le
traitement de l'obésité, qui ne se fonde sur aucune donnée nouvelle, ne justifie pas le retrait
de l'autorisation de mise sur le marché.
Les AMM de ces médicaments ont été harmonisées par une décision de la Commission de 1996,
après avis du comité des spécialités pharmaceutiques de l'Agence européenne pour l'évaluation
des médicaments (CSP). Dans cette décision, la Commission, se ralliant à l'avis du CSP,
prescrivait en particulier de limiter la durée d'emploi de ces médicaments à trois mois en raison
de risques graves liés à une utilisation prolongée. Elle estimait que, dans cette limite, ces
médicaments présentaient une efficacité suffisante et un bilan bénéfices/risques favorable.
Le 9 mars 2000, la Commission a imposé le retrait des AMM des médicaments à usage humain
qui contiennent notamment les substances anorexigènes susmentionnées.
Elle s'est fondée sur les conclusions scientifiques émises par le CSP en 1999, à la suite d'une
réévaluation de ces substances: ces substances sont maintenant considérées dépourvues
d'efficacité selon le nouveau critère scientifique de l'efficacité à long terme des médicaments
anti-obésité.
Les AMM des médicaments en cause ont donc été suspendues ou retirées par les autorités
compétentes des Etats membres.
Le code communautaire relatif aux médicaments à usage humain reprend les dispositions des
directives régissant la procédure communautaire décentralisée. Ce code prévoit notamment:
* la subordination de la commercialisation d'un médicament dans un Etat membre à la
délivrance d'une AMM, valable cinq ans et renouvelable, par l'autorité compétente de
cet Etat membre;
* les conditions relatives à l'efficacité et à la sécurité dans lesquelles l'autorité compétente
peut octroyer, suspendre ou retirer une AMM;
* une procédure de reconnaissance mutuelle des AMM nationales, assortie de procédures
d'arbitrage communautaires, obligatoire depuis le 1er janvier 1998;
* la saisine pour avis du CSP notamment dans le domaine de la compétence exclusive
résiduelle des États membres, qui couvre uniquement les AMM de médicaments
commercialisés dans un seul Etat membre, d'une part, et la gestion des AMM purement
nationales, octroyées avant que la procédure de reconnaissance mutuelle ne soit devenue
obligatoire, d'autre part.
Les entreprises pharmaceutiques visées demandent au Tribunal de première instance
l'annulation des décisions de la Commission du 9 mars 2000.
Le Tribunal s'attache, tout d'abord, à la compétence de la Commission en la matière. Il
constate que, dans le cadre des AMM nationales, la consultation du CSP est purement
facultative.
Le principe, en vertu duquel la Communauté agit dans les limites des compétences qui lui sont
conférées, implique que les États membres ne sont pas dessaisis de leur compétence - pour toute
décision ultérieure de retrait des AMM nationales d'un médicament, lorsque celles-ci ont été
harmonisées - suite à un avis non contraignant du CSP. La Commission était dès lors
incompétente pour adopter les décisions attaquées.
Par ailleurs, le Tribunal considère que, même si la Commission avait été compétente pour
adopter les décisions, celles-ci doivent néanmoins être annulées, car la condition de retrait d'une
AMM pour absence d'efficacité des substances considérées, sur laquelle ces décisions se
fondent, n'est pas satisfaite. En effet, le principe général de la prééminence de la protection de
la santé publique impose:
* la prise en compte exclusive des considérations relatives à la protection de la santé;
* la réévaluation du bilan bénéfices/risques présenté par un médicament, lorsque des
données nouvelles suscitent des doutes quant à son efficacité ou à sa sécurité et
* en cas d'incertitude scientifique, la mise en oeuvre du régime de la preuve
conformément au principe de précaution.
Dans le cadre de la gestion des autorisations, seules les exigences de la protection de la santé
publique doivent être prises en considération. Le titulaire d'une autorisation ne peut prétendre
à aucune protection spécifique de ses intérêts, si l'autorité compétente établit que le médicament
ne répond plus aux critères d'efficacité thérapeutique et de sécurité qui ont fondé l'AMM,
compte tenu de l'évolution des connaissances scientifiques et des données nouvelles recueillies
notamment dans le cadre de la pharmacovigilance.
Pour le bilan bénéfices/risques, le Tribunal relève que, si les effets thérapeutiques, qui avaient
justifié une AMM malgré l'existence de certains effets indésirables, ne sont plus présents,
l'AMM doit être retirée.
En troisième lieu, le principe de précaution impose à l'autorité compétente de suspendre ou de
retirer une AMM en présence de doutes sérieux quant à la sécurité ou l'efficacité du
médicament.
Le CSP et la Commission ont expressément reconnu que les avis de ce comité de 1999 et lesdécisions de 2000 de la Commission reposent sur des données médicales et scientifiques
strictement identiques à celles qui avaient été prises en compte dans l'avis du comité en 1996
et dans la décision de la Commission de la même année. De plus, l'appréciation portée sur les
risques acceptables n'a pas changé.
Le Tribunal estime que la simple évolution d'un critère scientifique d'appréciation de
l'efficacité d'un médicament, faisant l'objet d'un consensus dans la communauté médicale,
justifie le retrait d'une AMM d'un médicament uniquement si cette évolution se fonde sur
des données nouvelles.
Dans ces conditions, le Tribunal conclut que les décisions de la Commission concernant les
médicaments anorexigènes doivent être annulées.
Rappel: Un pourvoi, limité aux questions de droit peut être formé devant la Cour de
justice des CE contre la décision du Tribunal, dans les deux mois à compter de sa
notification.
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Instance.
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