Division Presse et Information

COMMUNIQUÉ DE PRESSE Nº 34/03

8 mai 2003

Conclusions de l'Avocat général M. Philippe Léger dans les affaires jointes C-231/00, C-303/00 e.a.

Cooperativa Lattepiú e.a. / A.I.M.A.

L'AVOCAT GÉNÉRAL ESTIME QUE L’ÉTAT PEUT RECTIFIER LES QUANTITÉS DE RÉFÉRENCE INDIVIDUELLES ERRONÉES DES PRODUCTEURS DE LAIT ET RECALCULER LES PRÉLÈVEMENTS SUPPLÉMENTAIRES POSTÉRIEUREMNT À LA DATE LIMITE DE PAIEMENT

L’avocat général suggère par ailleurs à la Cour de juger que les quantités de référence des producteurs doivent être communiquées individuellement à chaque producteur lors de leur attribution et de leur modification.




Depuis 1964, le lait fait l'objet d'une organisation commune de marché (OCM) dans le cadre de la politique agricole commune (PAC), afin d’assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, notamment par la fixation d’un prix indicatif du lait pour l’ensemble de la Communauté. À cette fin, le Conseil a adopté différentes mesures d’intervention visant à assurer l’équilibre du marché.

En 1984, afin de réduire la surproduction de lait dans la Communauté, le Conseil a instauré le régime de prélèvement supplémentaire. Une Quantité Globale Garantie (QGG) a été répartie entre les États membres qui devaient ensuite distribuer leur quantité entre les producteurs. Tout producteur qui dépasse sa quantité de référence individuelle («quota laitier») doit acquitter un prélèvement supplémentaire sur l'excédent.

L'Italie n’a mis en oeuvre le régime du prélèvement supplémentaire qu’en 1992 et ce n’est qu’à compter de la campagne de production 1995/1996 qu’elle a exigé le paiement par les producteurs de ce prélèvement.

De plus, le système de détermination de la production effective introduit en Italie (certification par les producteurs eux-mêmes) n’a pas permis de recueillir des données fiables et une commission gouvernementale a été chargée de déterminer l’existence d’irrégularités.

C’est ainsi que, en 1999, l'AIMA (agence d’État pour les interventions dans le marché agricole) a rectifié les quantités de référence individuelles attribuées pour les campagnes 1995/1996 et 1996/1997 et a recalculé les prélèvements supplémentaires dus par les producteurs. À la suite de ces corrections, environ 5000 recours ont été introduits devant la juridiction administrative italienne et la Cour de justice a été saisie de 25 renvois préjudiciels.

Les questions posées à la Cour de justice portent principalement sur deux points:

la compatibilité des rectifications effectuées par les autorités italiennes avec les dispositions du droit communautaire sur le régime du prélèvement supplémentaire;
la manière avec laquelle les quantités de référence individuelles doivent être communiquées aux producteurs.

L'avocat général Philippe Léger a présenté aujourd'hui ses conclusions dans ces affaires.

L’opinion de l’avocat général ne lie pas la Cour. Les avocats généraux ont pour mission de proposer en toute indépendance à la Cour une solution juridique pour l’affaire dont ils sont chargés.

Les rectifications a posteriori

L’avocat général relève que les articles des textes communautaires concernant le régime du prélèvement supplémentaire ne contiennent aucune disposition relative à une vérification et à une correction des quantités de référence individuelles. Il considère toutefois que ces textes ne s’opposent pas aux rectifications effectuées par les autorités italiennes.

D’une part, en effet, le libellé des dispositions communautaires pertinentes ne contient aucune interdiction de rectifications a posteriori. Ainsi, les règles relatives à l’attribution des quotas prévoient que ces derniers ne sont pas fixés définitivement, mais peuvent être adaptés pour chaque période de production afin que la quantité globale attribuée à l’État ne soit pas dépassée. Quant aux délais impératifs imposés aux producteurs pour communiquer leurs décomptes et payer les sommes dues, ils concernent la procédure administrative régulière et non pas l’exercice de contrôles et de rectifications.

D’autre part, les objectifs du régime seraient compromis si, à cause des dépassements individuels, la production globale d’un État dépassait sa QGG, sans donner lieu au paiement du prélèvement supplémentaire.

Par conséquent, les États membres doivent pouvoir rectifier a posteriori les quantités individuelles erronées.

Ce devoir de rectification se fonde sur l’obligation générale des États membres d’assurer sur leur territoire et suivant les règles propres à leur droit national l’exécution de toutes les obligations découlant du traité CE. En l’absence de règles communautaires sur les rectifications des quantités de référence individuelles erronées, il leur incombe de prendre toutes les mesures nécessaires conformément à leurs règles internes.

En outre, l’avocat général considère que les rectifications ne sont pas contraires aux principes de proportionnalité et de protection de la confiance légitime.

De même, une éventuelle mauvaise communication des quotas de la part des autorités ne pourrait décharger les producteurs des prélèvements supplémentaires.

Néanmoins, les producteurs qui estimeraient avoir subi un préjudice à cause de la mauvaise application du régime du prélèvement supplémentaire par les autorités italiennes pourront engager une action en responsabilité contre l'État devant le juge national.

L’avocat général suggère donc à la Cour de juger que l’État peut rectifier les quantités de référence individuelles erronées et recalculer les prélèvements supplémentaires, postérieurement à la date limite de paiement de ces sommes pour la période de production concernée.

Obligation et méthodes de communication des quantités de référence individuelles aux producteurs

Les producteurs ne peuvent pas déterminer eux-mêmes leurs quantités individuelles à partir de la QGG. Seul l’État est en mesure de déterminer exactement les quantités individuelles. En outre, le régime du prélèvement supplémentaire vise à obtenir que les producteurs ne dépassent pas leur quota laitier.

Selon l’avocat général, le régime du prélèvement supplémentaire impose donc que les quantités de référence individuelles soient communiquées aux producteurs lors de leur attribution et de leur modification.

Les méthodes de communication doivent suivre les règles du droit national et doivent garantir l’efficacité et l’uniformité du régime du prélèvement.

Cela implique:
que chaque producteur soit effectivement informé de son quota (qui représente ses droits et ses obligations),
que les autorités nationales aient l’assurance que chaque producteur a reçu cette information.

Seule une notification individuelle peut répondre à ces exigences. Ce mode de communication s’impose également en vertu du principe de sécurité juridique. En outre, il constitue une meilleure garantie des droits fondamentaux de propriété et de libre exercice d’une activité professionnelle sur lesquels le régime de prélèvement supplémentaire a des incidences.

L’avocat général suggère à la Cour de juger que le seul mode valable de communication de l’attribution ou de la modification des quotas est une notification individuelle (par exemple, par lettre recommandée ou par communication contresignée dans un registre).

Rappel: les juges de la Cour de justice des CE commencent maintenant leur délibéré dans cette affaire. L'arrêt sera prononcé à une date ultérieure.



Document non officiel à l’usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice

Langues disponibles: français, espagnol et italien

Pour le texte intégral des conclusions, veuillez consulter notre page Internet www.curia.eu.int 
aux environs de 15 heures

Pour de plus amples informations, veuillez contacter Mme S. Mosca-Bischoff
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