Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUÉ DE PRESSE Nº 41/03

20 mai 2003

Arrêt de la Cour dans les affaires jointes C-465/00, C138/01 et C-139/01

Österreichischer Rundfunk et autres

LA TRANSMISSION DE DONNÉES SUR LES REVENUS DE SALARIÉS D’ENTITÉS PUBLIQUES À DES FINS DE PUBLICATION DANS UN RAPPORT ANNUEL PEUT ÊTRE COMPATIBLE AVEC LE DROIT COMMUNAUTAIRE.

Pour être compatible, elle doit être nécessaire et appropriée à l’objectif de bonne gestion des ressources publiques. Il incombe aux juridictions nationales de vérifier s’il est nécessaire de fournir des noms ou s’il suffit de transmettre les données de façon anonyme.




Selon la législation autrichienne, les entités juridiques soumises au contrôle du Rechnungshof (la cour de comptes), sont obligées de communiquer à celui-ci, les traitements et pensions dépassant un certain plafond, versés à leurs salariés et aux pensionnés (fixé chaque année, par exemple en 2000 à EUR 82 430,18). La divulgation des noms des personnes concernées n’est pas explicitement mentionnée dans la législation autrichienne, mais elle procède de la doctrine, reprise par le Rechnungshof. Le Rechnungshof rassemble ces informations dans un rapport annuel qui est transmis au Nationalrat (parlement), au Bundesrat (deuxième chambre du parlement) et aux Landtage (parlements des Länder). De plus il est mis à la disposition du public.

Certains organismes, dont l’ORF et d’autres entreprises publiques, des collectivités territoriales et un organisme professionnel représentatif légal, n’ont pas communiqué les données ou les ont communiquées sans les noms des salariés. Ils s’appuient principalement sur une directive communautaire de 1995 concernant la protection des données à caractère personnel. Le Rechnungshof a saisi le Verfassungsgerichtshof (cour constitutionnelle) pour statuer sur les divergences d’opinions. (C-465/00)

Deux salariés de l’ORF, Mme Neukomm et M. Lauermann, ont intenté un procès visant à empêcher l’ORF de réserver une suite favorable à la demande de communication de données du Rechnungshof. Ils ont introduit un recours contre le rejet de cette demande devant l’Oberster Gerichtshof (cour suprême). (C-138/01 et C-139/01)

Les deux cours autrichiennes interrogent la Cour de justice sur un double point: la législation autrichienne est-elle compatible avec le droit communautaire (en particulier la directive de 1995), et les dispositions de celles-ci sont-elles directement applicables en ce sens qu’elles peuvent être invoquées pour empêcher l’application des règles nationales contraires?

La Cour rappelle que la directive communautaire, tout en ayant pour objectif principal de garantir la libre circulation des données à caractère personnel, prévoit le respect par les États membres de la protection des libertés et droits fondamentaux des personnes physiques, notamment de leur vie privée, à l’égard du traitement des données B caractère personnel.

La Cour considère que linsertion des données concernant les revenus alloués et les bénéficiaires, dans le rapport annuel présente le caractère dun traitement de données B caractère personnel. Dans le cadre du droit communautaire, les droits fondamentaux englobent entre autres, ceux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Bien que celle-ci prévoie le principe de la non-ingérence des autorités publiques dans l’exercice du droit à la vie privée, elle admet la possibilité d’une telle ingérence sous certaines conditions (art.8 CEDH).

La Cour souligne que la communication, par l’employeur à un tiers, de données relatives aux revenus perçus par un travailleur ou un pensionné, est une ingérence dans la vie privée au sens de l’article 8 de la CEDH qui peut être justifiée si elle est prévue par la loi, poursuit un but légitime visé dans cet article et est nécessaire dans une société démocratique pour atteindre ce but.

À cet égard la Cour constate d’abord que l’ingérence est prévue par la loi autrichienne. Néanmoins, il incombe aux juridictions nationales de vérifier si la divulgation du nom des personnes, (qui elle, n’est pas prévue) répond à l’exigence de prévisibilité. Ensuite la Cour observe que l’objectif de cette ingérence est de garantir l’utilisation parcimonieuse et appropriée des fonds publics par l’administration qui constitue un but légitime au sens de l’article 8 de la CEDH qui vise le “bien-être économique du pays”. Enfin, en ce qui concerne la nécessité, la Cour considère qu’il incombe aux cours nationales d’examiner s’il est nécessaire de diffuser au grand public, les noms des personnes en relation avec leurs revenus perçus, et s’il n’aurait pas été suffisant d’informer le grand public des seules rémunérations et autres avantages pécuniaires auxquels les salariés concernés peuvent contractuellement prétendre.

La Cour conclut que, si les juridictions de renvoi estiment que la législation autrichienne n’est pas compatible avec la CEDH, elle ne peut pas non plus satisfaire à la directive communautaire. Si, en revanche, elles considèrent que cette législation est à la fois nécessaire et appropriée à l’objectif d’intérêt général poursuivi, il leur incombera encore de vérifier si, en ne prévoyant pas explicitement la divulgation du nom des personnes concernées, la législation répond à l’exigence de prévisibilité.
Quant à l’application directe de la directive communautaire, la Cour considère que les dispositions de la directive en cause sont suffisamment précises pour être invoquées par un particulier devant les juridictions nationales afin d’écarter l’application des règles de droit interne contraires à ces dispositions.



Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice.

Langues disponibles: FR, EN, DE, SV, ES

Pour le texte intégral de l'arrêt, veuillez consulter notre page Internet
www.curia.eu.int 
aux alentours de 15 heures ce jour.

Pour de plus amples informations, veuillez contacter Mme Mosca-Bischoff
tél. (352) 4303-3205 - fax (352) 4303-2034



    Les entités soumises au contrôle du Rechnungshof sont les collectivités territoriales, les organismes d’assurances sociale, les organismes représentatifs professionnels légaux, l’Österreichischer Rundfunk (ORF), une société de radio et de télévision du droit public, ainsi que d’autres entreprises publiques (2, 6, 18)