Division de la Presse et de l'Information
Conclusions de l'avocat général M. Francis Jacobs les affaires C-264/01, C-306/01, C-354/01 et
C-355/01
AOK Bundesverband e.a./Ichthyol-Gesellschaft Cordes e.a.
L'AVOCAT GÉNÉRAL ESTIME QUE LA DÉTERMINATION DES MONTANTS PAYÉS PAR LES CAISSES DE
MALADIE POUR CERTAINS MÉDICAMENTS EST EN PRINCIPE CONTRAIRE AU DROIT DE LA CONCURRENCE,
MAIS QU'ELLE PEUT ÊTRE JUSTIFIÉE.
Il appartient aux juridictions nationales de rechercher si les caisses de maladie ont
fait un usage anticoncurrentiel de l'éventuelle marge de manoeuvre dont elles disposent en
vertu du droit national et si la détermination des montants fixes est une
méthode manifestement disproportionnée pour assurer la fourniture d'un service d'intérêt économique général.
Les montants fixes sont décidés dans une procédure comportant deux étapes. Dans un
premier temps, une commission composée de représentants des fédérations nationales des caisses de
maladie et d'associations de médecins définit les catégories de produits devant faire l'objet
d'un montant fixe. Ces choix sont agréés par le ministre de la santé.
Dans un deuxième temps, les fédérations des caisses de maladie déterminent en commun
les montants fixes en vertu de certains critères légaux. Une fois déterminés, les
montants fixes sont soumis à un contrôle annuel et doivent être adaptés aux modifications
du marché. Ils sont également publiés et peuvent faire l'objet de recours juridictionnels.
Un certain nombre d'entreprises pharmaceutiques (Ichthyol-Gesellschaft Cordes et autres) ont attaqué des décisions
des fédérations nationales des caisses de maladie en Allemagne (AOK Bundesverband et autres)
qui ont modifié le niveau des montants fixes applicables à leurs produits. Les entreprises
pharmaceutiques ont fait valoir que la décision de fixer les prix constituait un
comportement anticoncurrentiel, interdit par le droit communautaire de la concurrence. Les juridictions allemandes
saisies des recours ont posé des questions à la Cour de justice des CE
en vue de savoir si le droit communautaire de la concurrence était applicable
à ces fédérations de caisses de maladie, si les décisions établissant les montants fixes
étaient contraires au droit communautaire et si ces décisions pouvaient être justifiées comme
étant nécessaires à la fourniture d'un service d'intérêt économique général.
L'avocat général Jacobs présente aujourd'hui ses conclusions dans cette affaire.
L'opinion de l'avocat général ne lie pas la Cour. Les avocats généraux ont pour mission de proposer en toute indépendance à la Cour une solution juridique pour l'affaire dont ils sont chargés. |
L'avocat général Jacobs estime que, en principe, les décisions collectives de fixation des
montants sont interdites par le droit communautaire de la concurrence. Il ajoute que
ces décisions aboutissent à fixer effectivement le prix de certains médicaments, pratique qui a
pour objet et pour effet de restreindre la concurrence et qui est expressément
visée par le traité CE comme revêtant un caractère anticoncurrentiel.
Il note toutefois que le droit communautaire de la concurrence est uniquement applicable
aux comportements anticoncurrentiels adoptés par les entreprises de leur propre initiative. Si un
tel comportement est imposé par le droit national, le droit de la concurrence
ne peut s'appliquer. Il appartient aux juridictions nationales de rechercher si le droit
allemand élimine toute possibilité de comportement autonome de la part des demanderesses lorsqu'elles
déterminent les montants fixes. À cet égard, l'avocat général indique que les caisses de
maladie dans cette affaire n'ont pas été en mesure d'éviter la fixation d'un
montant et qu'elles n'ont pas été entièrement libres de choisir le montant fixe
en raison de l'exigence leur imposant de déterminer le montant sur la base
du prix le plus bas de la catégorie de référence. Il appartient donc
selon lui aux juridictions nationales d'apprécier si ces caisses de maladie ont usé
d'un éventuel pouvoir en vue de provoquer une restriction de concurrence sensiblement plus
importante que celle qui aurait résulté d'une autre décision licite.
Si ces caisses de maladie ont agi de manière autonome, il leur est
possible de justifier leur action en démontrant que celle-ci constitue un moyen nécessaire
et proportionné pour assurer la fourniture d'un service d'intérêt économique général. L'avocat général
Jacobs estime que les caisses de maladie allemandes en question sont chargées d'un
tel service et qu'elles pourraient en principe justifier leur position. Il appartient toutefois
aux juridictions nationales de rechercher si la détermination des montants fixes est nécessaire
pour permettre aux caisses de maladie d'effectuer leur tâche d'intérêt général, c'est-à-dire si
la détermination des montants fixes est bien nécessaire pour assurer la stabilité financière
de celles-ci. Pour écarter un tel moyen, il conviendrait de démontrer que le
système était manifestement disproportionné pour garantir la capacité des caisses de maladie à remplir
leurs tâches d'intérêt économique général dans des conditions de stabilité financière.
Rappel: Les juges de la Cour de justice des Communautés européennes commencent maintenant
à délibérer dans cette affaire. L'arrêt sera prononcé à une date ultérieure.
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