Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUE DE PRESSE Nº 80/03

30 septembre 2003

Arrêt du Tribunal dans l’affaire T-203/01

Manufacture française des pneumatiques Michelin / Commission des Communautés européennes

LE TRIBUNAL CONFIRME LA DÉCISION DE LA COMMISSION CONDAMNANT LES PRATIQUES COMMERCIALES ABUSIVES DE MICHELIN À L'ÉGARD DE SES REVENDEURS

Une société en position dominante qui applique un système de rabais et primes fidélisateurs à ses revendeurs contribue à renforcer sa situation au détriment des autres opérateurs et donc à entraver le jeu de concurrence normale


Michelin jouit d'une position dominante sur le marché français du pneumatique de remplacement pour véhicules poids lourd qui se compose d'une part, de celui du pneumatique neuf de remplacement et du pneumatique rechapé, d'autre part. La Commission a par une décision de 2001 condamné pour abus de position dominante cette société qu'elle estime avoir mené, en France, une politique commerciale et de prix à l’égard des revendeurs fondée sur un système complexe de remises, de ristournes et/ou d’avantages financiers divers. Le principal objectif était leur fidélisation et la conservation de ses parts de marché, ayant pour conséquence de porter atteinte à la concurrence dans le marché commun. La Commission a lui infligé une amende de 19,76 millions d'euros.

Étaient spécifiquement visés comme abusifs les rabais quantitatifs («rappels quantitatifs») et ceux déterminés en fonction de la qualité du service du revendeur aux utilisateurs («prime de service»). Ces avantages tarifaires n’étaient pas obtenus «sur facture», mais généralement perçus l’année suivant la période de référence.

Michelin a déposé un recours en annulation de cette décision devant le Tribunal de première instance des CE, contestant le caractère fidélisateur des rabais et primes en cause et l’existence d’un impact abusif additionnel résultant du cumul des différents systèmes de remises allégué par la Commission, l'analyse économique menée par celle-ci ainsi que le montant de l'amende qui lui a été infligée.


Le Tribunal confirme la décision de la Commission: une société en position dominante qui applique des rabais et primes fidélisateurs entrave le jeu de concurrence normale par les prix et enfreint le droit communautaire.

Les rappels quantitatifs avaient un caractère inéquitable du fait que les revendeurs ne pouvaient pas estimer le prix d’achat unitaire réel des pneumatiques Michelin puisque ce n'était qu'environ un an après le début des premiers achats que les rabais étaient calculés et versés, ce qui les plaçait dans une situation d’incertitude jusqu'au recouvrement des ristournes, les conduisant à minimiser les risques en réalisant de manière privilégiée leurs achats auprès de Michelin. Le Tribunal rappelle, en premier lieu, que, dans le droit fil de sa jurisprudence, si un système de rabais octroyé par une société en position dominante et dont le taux de la remise augmente en fonction du volume acheté n'est pas d'emblée contraire au droit communautaire, il doit reposer sur une contrepartie économiquement justifiée (par exemple des économies d'échelle sur les coûts qui se répercutent sur le client).

Or, Michelin n'a pas fourni de justification économique de son système de rabais quantitatif qui, en raison de son caractère fidélisant, tendait à priver les revendeurs de pneus poids lourd en France non seulement d'une visibilité sur les prix au moment de l'achat mais aussi de la possibilité de s'approvisionner auprès de producteurs concurrents.

De même, estime le Tribunal, le système appliqué par Michelin de la prime de service censée rémunérer les services après vente rendus par les revendeurs avait un effet abusif: il était inéquitable car reposant sur des critères d'appréciation subjectifs) fidélisant et avait un effet de vente liée dans la mesure où les revendeurs étaient incités à faire rechaper en priorité les pneus par Michelin. L'octroi de telles remises par une société en position dominante ne correspond pas à une politique de concurrence normale par les prix et est, par voie de conséquence, prohibé par le droit communautaire.


Les conditions de partenariat avec certains revendeurs qui contribuaient, en fait, à renforcer la position de Michelin et à évincer la concurrence sur le marché du pneu neuf de remplacement poids lourd sont prohibées par le traité CE.

Abusif encore le système d'avantages tarifaires corrélé au "club des amis Michelin" dont l'appartenance impliquait pour le revendeur, comme condition d'adhésion, des engagements en termes de parts de marché ("température"), puis le maintien d'un niveau de stock de pneus Michelin ainsi que la mise en avant de la marque, en contrepartie de quoi il recevait de Michelin une formation professionnelle et une aide financière aux investissements. Les juges du Tribunal estiment, en effet, que la Commission a pu conclure à bon droit que l’ensemble de ces conditions visait à éliminer la concurrence des autres producteurs ainsi qu’à garantir le maintien de la position de Michelin et à limiter le degré de concurrence sur le marché du pneu neuf de remplacement poids lourd.

Le Tribunal confirme l'analyse menée par la Commission ainsi que l'amende infligée à Michelin.

Eu égard à ces infractions aux effets durablement préjudiciables pour les consommateurs, le Tribunal rejette les contestations de Michelin quant à l'analyse économique menée par la Commission et quant au montant de l'amende, élevé en raison de circonstances aggravantes.

Rappel: un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être formé devant la Cour de justice des Communautés européennes contre la décision du Tribunal, dans un délai de deux mois à compter de sa notification.

Document non officiel à l’usage des médias, qui n'engage pas le Tribunal de première instance des communautés européennes.

Langues disponibles: anglais

Le texte intégral de l'arrêt (des conclusions) se trouve sur internet (www.curia.int) Généralement il peut être consulté à partir de 12 heures CET le jour du prononcé.

Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme S. Mosca-Bischoff
tél. (00352) 4303 3205 fax (00352) 4303 2034.

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Décision de la Commission du 20 juin 2001 dans l(affaire COM/E-2/36.041- PO - Michelin (JO 2002, L 143)