Division de la Presse et de l'Information
de Lasteyrie du Saillant
LES DISPOSITIONS FISCALES FRANCAISES IMPOSANT LES PLUS-VALUES LATENTES DU SEUL FAIT DU TRANSFERT
DU DOMICILE D'UN CONTRIBUABLE VERS UN AUTRE ÉTAT MEMBRE ENTRAVENT LA LIBERTÉ D'ÉTABLISSEMENT
Elles constituent une différence de traitement dissuasive qui ne peut être justifiée par
des raisons impérieuses dintérêt général en raison de leur caractère disproportionné par rapport
à lobjectif visé de prévention dévasion fiscale.
Bien quil soit possible de bénéficier dun sursis de paiement, celui-ci nest pas
automatique et il est soumis à des conditions strictes, notamment à la constitution de garanties
et à la désignation d'un représentant en France.
Considérant que ces dispositions établissent, d'une part, « une inégalité de traitement » puisqu'elles ne
pénalisent que les contribuables qui souhaitent quitter la France, et d'autre part, une
disproportion au regard de l'objectif allégué de lutte contre l'évasion fiscale, M. de
Lasteyrie a demandé au Conseil dÉtat dannuler pour excès de pouvoir le décret
instituant ces dispositions.
Le Conseil dÉtat a décidé d´interroger la Cour de justice sur la question
de la compatibilité de la législation française qui, à des fins de prévention dun
risque dévasion fiscale, instaure un mécanisme dimposition des plus-values en cas de transfert
du domicile fiscal avec le principe de la liberté détablissement posé le traité
CE.
La mesure fiscale française taxant les plus-values latentes en cas de transfert du
domicile est susceptible dentraver la liberté détablissement.
En préambule, la Cour de justice souligne que la liberté d'établissement constitue lune
des dispositions fondamentales du droit communautaire et rappelle que, selon une jurisprudence bien
établie, le respect de cette liberté soppose à ce que lÉtat membre dorigine entrave
létablissement dans un autre État membre de lun de ses ressortissants, y compris
par des mesures fiscales. Or, la Cour estime que la disposition en cause
est de nature à restreindre lexercice de ce droit en ayant, à tout le moins,
un effet dissuasif à légard des contribuables qui souhaitent sinstaller dans un autre État
membre puisqu'ils sont soumis, du seul fait du transfert de leur domicile hors
de France, à un impôt sur un revenu qui nest pas encore réalisé, donc
à un traitement désavantageux par rapport à une personne qui maintient sa résidence en France.
En outre, le sursis de paiement possible, soumis à des conditions de dépôt de
garanties, par exemple, comporte un effet restrictif, dans la mesure où le contribuable
se trouve privé de la jouissance du patrimoine donné en garantie.
Une telle entrave ne saurait être admise que si elle poursuit un objectif
légitime, compatible avec le traité et que si elle est justifiée par des
raisons impérieuses dintérêt général.
Cette mesure fiscale se fondant sur le seul transfert du domicile dans un
autre État membre pour présumer de l'intention générale de fraude fiscale ne peut
être justifiée par des raisons impérieuses d'intérêt général : elle est disproportionnée par
rapport à l'objectif recherché.
Cette disposition vise, de manière générale, toute situation dans laquelle un contribuable détenant
des participations substantielles dans une société soumise à limpôt sur les sociétés transfère, pour
quelque raison que ce soit, son domicile hors de France; elle présume ainsi
lintention de contourner la loi fiscale française de tout contribuable qui transfère son
domicile hors de France. Par ailleurs, la Cour estime que lobjectif envisagé -
empêcher quun redevable élude le paiement de limpôt sur les plus-values dû en
France - peut être atteint par des mesures moins contraignantes ou moins restrictives
de la liberté détablissement, ayant trait spécifiquement au risque dun tel transfert temporaire,
par exemple en taxant un contribuable qui, après un bref séjour reviendrait en
France, une fois réalisées ses plus-values.
Langues disponibles: français, anglais, allemand
Le texte intégral de larrêt se trouve sur
internet (www.curia.eu.int ) Généralement il peut être consulté à partir de 12 heures CET le
jour du prononcé.
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