Division de la Presse et de l'Information


COMMUNIQUE DE PRESSE Nº 17/04

18 mars 2004

Arrêt de la Cour dans l'affaire préjudicielle C-8/02

Ludwig Leichtle / Bundesanstalt für Arbeit



LA RÉGLEMENTATION ALLEMANDE APPLICABLE AUX FONCTIONNAIRES RÉGISSANT LA PRISE EN CHARGE DES DÉPENSES ENGAGÉES EN RAISON D’UNE CURE THERMALE EST PARTIELLEMENT CONTRAIRE À LA LIBRE PRESTATION DES SERVICES

La condition selon laquelle les chances de réussite doivent être plus élevées hors de l’Allemagne constitue un obstacle non justifié.


M. Leichtle, de nationalité allemande, est fonctionnaire du Bundesanstalt für Arbeit (l’office fédéral de l’emploi). En 2000, il a demandé à ce dernier la prise en charge des dépenses liées à une cure thermale qu’il envisageait de suivre à Ischia (Italie).

En vertu de l’Allgemeine Verwaltungsvorschrift für Beihilfen in Krankheits-, Pflege-, Geburts- und Todesfällen (la disposition générale d’application relative à l’aide versée aux fonctionnaires en cas de maladie, de soins, de maternité et de décès), l’octroi de l’aide en raison d’une cure thermale concerne les dépenses médicales ainsi que les dépenses afférentes à l’hébergement, à la restauration, au voyage, à la taxe de séjour et à l’élaboration d’un rapport médical final. La prise en charge des dépenses est subordonnée à l’obtention d’une reconnaissance préalable d’éligibilité et à la condition que la station thermale figure sur une liste ad hoc. En ce qui concerne une cure thermale effectuée hors de l’Allemagne, cette reconnaissance n’est octroyée qu’après une expertise établissant que la cure envisagée revêt une impérieuse nécessité du fait de chances de réussite beaucoup plus élevées dans un autre pays.

Le Bundesanstalt a rejeté la demande de M. Leichtle au motif que la cure dispensée à Ischia n’offrait pas des chances de succès plus élevées que les cures thermales accessibles en Allemagne. M. Leichtle a introduit un recours contre cette décision devant le Verwaltungsgericht Sigmaringen et s’est ensuite rendu à Ischia pour suivre la cure sans attendre qu'une décision soit rendue par cette juridiction. Le Verwaltungsgericht Sigmaringen demande à la Cour si la libre prestation des services médicaux s’oppose à la réglementation allemande.

Tout d’abord la Cour précise que la question préjudicielle ne porte pas sur la prise en charge des dépenses afférentes aux prestations des soins proprement dites dispensées à l’occasion d’une cure thermale mais sur d' autres dépenses afférentes à une telle cure. Les coûts liés à l’hébergement et à la restauration, les frais de voyage ainsi que la taxe de séjour peuvent, toutefois, être considérés comme faisant partie intégrante de la cure elle-même ou y étant indissociablement liés. Les conditions éventuelles de prise en charge de ces diverses dépenses sont bien susceptibles d'avoir une influence sur le choix du lieu de la cure.

La Cour relève que l’exigence d’une reconnaissance préalable de l’éligibilité à l’aide de ces diverses dépenses s’applique en ce qui concerne les cures thermales effectuées tant en Allemagne que dans un autre État membre. Par conséquent, cette exigence n’a pas pour effet de rendre les prestations de services entre États membres plus difficiles que les prestations qui sont purement internes.

Quant aux conditions d’une telle reconnaissance, la Cour constate que, en vertu de la réglementation allemande, la nécessité d’une expertise médicale s’applique indistinctement selon qu’il s’agit de dépenses occasionnées en raison de cures thermales en Allemagne ou en dehors. En revanche, la condition selon laquelle les chances de réussite doivent être plus élevées hors de l’Allemagne a pour effet de dissuader les fonctionnaires de s’adresser aux centres de cure thermale établis dans d’autres États membres. Selon la Cour, un tel obstacle à la libre prestation des services n'est admissible que s'il peut être justifié au regard du traité, en particulier par l'existence d'un risque d'atteinte grave à l'équilibre financier du système de sécurité sociale ou par la nécessité d'assurer le maintien d'une capacité de soins ainsi que d'une compétence médicale essentielle sur le territoire allemand. Toutefois, la Cour relève qu’aucun élément précis n’a été avancé à l’appui d'une telle justification.

En ce qui concerne l’exigence selon laquelle la station thermale concernée doit figurer sur une liste ad hoc, la Cour relève qu'une telle condition qui vise vraisemblablement à garantir que les établissements thermaux sont en mesure de dispenser les soins nécessaires est également prévue pour les cures thermales effectuées en Allemagne. Il s'ensuit qu'une telle exigence ne paraît pas, a priori et en principe, de nature à avoir pour effet de rendre les prestations de services entre États membres plus difficiles que les prestations qui sont purement internes. Il appartient toutefois à la juridiction nationale de vérifier, au vu des conditions auxquelles est éventuellement subordonnée l’inscription des stations thermales sur une telle liste ad hoc, si cette exigence d’inscription est de nature à constituer une restriction à la libre prestation des services.

Finalement, le fait que l’intéressé n’a pas attendu la clôture de la procédure contentieuse intentée à l'encontre de la décision ayant rejeté sa demande de reconnaissance préalable d'éligibilité, avant d’entamer la cure en question, ne peut pas exclure la prise en charge des dépenses. La Cour juge que, dans le cas contraire, l’effet utile du droit communautaire se trouverait mis à mal étant donné que la plupart des patients ne peut pas attendre l’issue d’une procédure avant de bénéficier des soins que requiert leur état de santé.

Document non officiel à l'usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice.

Langues disponibles: français, anglais, allemand

Le texte intégral de l'arrêt se trouve sur internet (www.curia.eu.int ) Généralement il peut être consulté à partir de 12 heures CET le jour du prononcé.

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