Division de la Presse et de l'Information

COMMUNIQUÉ DE PRESSE Nº 26/04

1er avril 2004

Arrêt de la Cour de justice dans l’affaire C-263/02 P

Commission / Jégo-Quéré et Cie SA

LA COUR DE JUSTICE CONFIRME SA JURISPRUDENCE RELATIVE AUX CONDITIONS DANS LESQUELLES UN PARTICULIER PEUT DEMANDER L'ANNULATION D'UN RÈGLEMENT COMMUNAUTAIRE

Elle annule l'arrêt du Tribunal de première instance qui avait déclaré recevable un tel recours et qui remettait en cause le système de contrôle de légalité de ces actes communautaires de portée générale.


La Société de pêche Jégo-Quéré et Cie, établie en France, exerçait ses activités de capture de merlan principalement au sud de l'Irlande. Elle utilisait des filets d'un maillage de 80 mm, interdits par un règlement de la Commission de 2001, visant à reconstituer le stock de merlus. Elle a introduit devant le Tribunal de première instance des CE un recours en annulation contre deux dispositions de ce règlement, qui imposent aux navires opérant dans certaines zones un maillage minimal pour les différentes techniques de pêche au filet.

Le 3 mai 2002, le Tribunal, a déclaré le recours recevable, rompant ainsi avec une jurisprudence selon laquelle une personne physique ou morale ne peut attaquer un acte de portée générale que si cet acte l'atteint en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d'une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre. Il a motivé cet assouplissement des conditions de recevabilité des recours en annulation des particuliers par la nécessité d’assurer à ceux-ci une protection juridictionnelle effective que ne permettrait pas le droit national. Le Tribunal a ainsi adopté une nouvelle définition de la condition d'atteinte individuelle: la disposition communautaire doit affecter le particulier dans sa situation juridique propre de façon certaine et actuelle en restreignant ses droits ou en lui imposant des obligations.

La Commission a formé un pourvoi contre cet arrêt devant la Cour de justice en faisant valoir que le Tribunal aurait dû déclarer le recours irrecevable.

La Cour de justice réaffirme que le traité a établi un système complet de voies de droit destiné à assurer la protection effective des droits que les citoyens tirent de l'ordre juridique communautaire.

La Cour rappelle que les particuliers doivent pouvoir faire valoir les droits que l'ordre juridique communautaire leur octroie et saisir un juge à même de trancher leur prétention. Or, le traité CE a établi un système complet de voies de recours et de procédures destiné à assurer le contrôle de la légalité des actes des institutions, en le confiant à la Cour de justice et au Tribunal. Dans ce système, les personnes physiques ou morales, destinataires d'un acte communautaire les concernant directement et individuellement ont la possibilité de le contester devant le juge communautaire par le biais d'un recours en annulation.

En revanche, l'annulation d'un acte communautaire de portée générale, tel un règlement, ne saurait être obtenue par un particulier de manière directe devant les juridictions communautaires.

Les personnes physiques ou morales, empêchées d'attaquer un règlement directement devant les juridictions communautaires, ne sont cependant pas pour autant privées de toute possibilité de recours effectif. Deux possibilités s'offrent à elles :

soit elles peuvent, si elles sont engagées dans une procédure devant le juge communautaire mettant indirectement en cause un tel règlement, contester incidemment la légalité de ce dernier ;

soit elles ont la possibilité de faire valoir l'invalidité dudit règlement devant les juridictions nationales et de demander à celles-ci d'interroger la Cour de justice en invoquant un problème de validité au regard du droit communautaire.

Sur ce point, la Cour rappelle qu'elle ne saurait se substituer aux États membres à qui il incombe d'assurer la protection juridictionnelle par des systèmes de voies de recours et de procédures permettant aux personnes physiques ou morales de contester en justice la légalité d'une mesure nationale prise en application d'un règlement. Ainsi, ne relève pas de sa compétence, dans le cadre d’un recours en annulation d’un règlement, introduit devant elle, d'examiner si cette protection est effectivement garantie et, dans la négative, d'admettre la recevabilité du recours du particulier. En effet, cela conduirait le juge communautaire à interpréter le droit procédural national et donc à excéder ses compétences.

La Cour ajoute que le fait que le règlement en cause s’applique directement, sans l’intervention des autorités nationales, n’implique pas par lui-même qu’un opérateur directement concerné par celui-ci ne puisse mettre en cause la validité dudit règlement qu’après l’avoir enfreint. En effet, il n'est pas exclu qu'au niveau national un tel opérateur soit en droit de solliciter auprès des autorités compétentes un acte se rapportant à ce règlement, acte qu'il peut contester devant la juridiction nationale, et par là même contester indirectement le règlement en question.

Par ailleurs, si l'interprétation de la notion de “particulier individuellement concerné” implique qu'il soit tenu compte des diverses circonstances susceptibles d'individualiser un requérant, elle ne saurait conduire à la suppression de cette condition expressément prévue par le traité. Le juge communautaire excéderait dans ce cas aussi sa compétence.

Compte tenu de tous ces arguments la Cour annule l'arrêt du Tribunal du 3 mai 2002 et déclare irrecevable le recours en annulation de la Société Jégo-Quéré et Cie.


Document non officiel à l’usage des médias, qui n'engage pas la Cour de justice.

Langues disponibles: allemand, anglais, français.

Le texte intégral de l’arrêt se trouve sur internet (www.curia.eu.int ) Généralement il peut être consulté à partir de 12 heures GMT le jour du prononcé.

Pour de plus amples informations veuillez contacter Mme Sophie Mosca-Bischoff
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